La technologie de reconnaissance faciale que la Sûreté du Québec envisage d'acquérir sera utilisée uniquement pour un type de tâche précis, assure le corps policier : comparer des images d'individus soupçonnés dans le cadre d'enquêtes à une banque de photos signalétiques de criminels qui ont déjà été condamnés par les tribunaux.

« La Sûreté ne détient aucune banque de photos identifiant des citoyens et n'a pas accès aux photographies de permis de conduire », a affirmé hier le porte-parole Hugo Fournier. 

La Presse a révélé hier que la SQ a récemment publié un avis d'intérêt pour acquérir une technologie de reconnaissance faciale automatisée qu'elle compte déployer dans le cadre de ses enquêtes criminelles.

Le logiciel recherché devra offrir la « possibilité d'intégrer massivement des photographies de visages ou images provenant d'une autre banque », précise l'avis d'intérêt publié sur le Système électronique d'appel d'offres du gouvernement du Québec.

La Ligue des droits et libertés, qui se dit préoccupée par l'intérêt la SQ pour cette technologie, affirme que la décision ne doit pas être « prise à la légère » et demande à ce que la population soit consultée. « Ces techniques de reconnaissance faciale sont un outil de plus de surveillance des populations et ont un potentiel élevé d'atteinte au droit à l'anonymat, au droit à la vie privée et à la protection des renseignements personnels », affirme l'organisme. 

« La population doit pouvoir avoir son mot à dire concernant ces techniques intrusives. La SQ ne doit pas prendre cette décision seule », affirme Eve-Marie Lacasse, de la Ligue des droits et libertés.

Le ministère de la Sécurité publique a préféré hier ne pas faire de commentaires à ce sujet, nous renvoyant à la SQ. 

« Dans le cadre d'une enquête criminelle »

Le corps policier assure que son projet « respectera l'ensemble des restrictions relatives à la vie privée » prévues par les chartes. La reconnaissance faciale « n'a pas pour but d'identifier tout un chacun à partir de caméras de surveillance au hasard. Il s'agit d'un outil additionnel mis à la disposition des policiers dans le cadre d'une enquête criminelle », a indiqué M. Fournier. 

En partant par exemple d'une image d'un suspect de vol de dépanneur prise par une caméra de surveillance, « le nouveau système permettra de vérifier s'il y a des liens de concordance dans la base de photos signalétiques », aussi appelées mugshots dans le jargon policier. Le système pourrait ensuite « proposer des suspects potentiels », notamment pour les cas « d'enlèvement de personnes, d'exploitation sexuelle des enfants, de radicalisation et de terrorisme, de crimes violents et traite de personnes à des fins d'exploitation sexuelle », a indiqué le porte-parole. 

Selon un document consulté par La Presse, la base de photos signalétiques de la SQ contient 1,5 million de photos criminelles et pourrait atteindre 3 millions d'ici cinq ans. La SQ assure que les photos de suspects qui ont été acquittés d'accusations sont systématiquement détruites. 

« Que feront les policiers avec toutes les données récoltées ? Combien de temps les garderont-elles ? Pourront-ils les utiliser à d'autre escient que les enquêtes ? Beaucoup de préoccupations et de questions demeurent, et la population doit pouvoir avoir son mot à dire concernant ces techniques intrusives », insiste néanmoins la Ligue des droits et libertés.