Les familles de Roxanne Luce, Joanne Dorion, Denise Bazinet, Sharron Prior, Louise Camirand, Hélène Monast, Lison Blais et Theresa Allore veulent rencontrer la ministre de la Sécurité publique Geneviève Guilbault afin de lui proposer des améliorations au traitement des enquêtes sur des meurtres et des disparitions.

À ces huit familles s'ajoute celle de Marilyn Bergeron, disparue en février 2008, dont les parents soutiennent l'une des recommandations soumises à la ministre.

Ces proches de victimes demandent une enquête publique sur les méthodes policières dans les enquêtes sur des meurtres et des disparitions. Ils veulent que toutes les enquêtes de cette nature soient confiées exclusivement à la Sûreté du Québec.

Les familles souhaitent également l'instauration d'un protocole rigoureux de conservation des pièces à conviction ainsi qu'une formation bonifiée des enquêteurs. Elles voudraient finalement être tenues informées de l'essor des enquêtes et avoir un accès complet aux dossiers 25 ans après le drame.

Soutenus par l'avocat Marc Bellemare, les proches de ces jeunes femmes assassinées ne s'attendent pas nécessairement à une réponse positive à toutes leurs demandes, mais ils veulent être écoutés par la ministre.

« On veut dénoncer le refus obstiné de Mme Geneviève Guilbault, qui est vice-première ministre et ministre de la Sécurité publique, de rencontrer des familles de femmes assassinées dans les années 1970 », a déclaré Me Bellemare en conférence de presse, dimanche.

Celui-ci dit trouver scandaleux que la ministre ne prenne pas le temps de les recevoir. Les journalistes ont obtenu copie d'une correspondance entre Me Bellemare et le directeur de cabinet adjoint de la ministre de la Sécurité publique. Ce dernier répond brièvement par écrit aux demandes des familles, mais ne dit rien au sujet de la principale requête : une rencontre.

La Presse canadienne a demandé au cabinet de la ministre Geneviève Guilbault si elle souhaitait recevoir les familles. Dans une réponse laconique, le directeur des communications Jean-François Del Torchio a écrit : « On va regarder le dossier et nous répondrons à M. Bellemare. »

Stéphane Luce, dont la mère a été assassinée à Longueuil le 1er avril 1981, espérait que le changement annoncé par la CAQ serait marqué par plus d'ouverture.

« Nous ne demandons qu'à être entendus. J'avais espoir que la ministre de la CAQ, Geneviève Guilbault aurait un minimum de compassion en nous rencontrant. Si Mme Guilbault refuse de nous rencontrer, c'est au premier ministre de le faire », a-t-il souligné.

Georges Bazinet, dont la soeur Denise a été assassinée le 24 octobre 1977, en a assez d'être tenu à l'écart depuis quatre décennies.

« Depuis plus ou moins 40 ans, les politiciens nous font des promesses, mais plus ça change, plus c'est pareil. Pourquoi l'ex-ministre Martin Coiteux ne nous a jamais rencontrés, malgré plusieurs demandes ? Et pourquoi la nouvelle ministre refuse-t-elle aussi de nous entendre ? », demande-t-il.

Des preuves disparaissent

Les familles de ces femmes assassinées souhaitent que les cas de meurtre et de disparition deviennent la compétence exclusive de la Sûreté du Québec puisqu'il s'agit du plus haut niveau de corps de police de la province.

Une centralisation des enquêtes permettrait de bonifier l'expertise, de recouper certains dossiers et surtout d'assurer une uniformité de la procédure et de la conservation des éléments de preuve, selon elles

Dans le dossier du meurtre de Roxanne Luce, commis le 1er avril 1981, « la police de Longueuil a contaminé la preuve et les pièces à conviction », affirme son fils Stéphane.

« Certains éléments de preuve ont été détruits, incluant de l'ADN. On m'a menti à plusieurs reprises. Cette enquête est une farce », s'insurge l'homme qui était âgé de 13 ans au moment où quelqu'un lui a enlevé sa mère.

Un deuxième cas de négligence concernant la police de Longueuil a privé la famille de Sharron Prior de l'espoir d'une éventuelle condamnation.

« Ma fille de 16 ans a été assassinée le 29 mars 1975 à Montréal. Parce que son corps a été retrouvé à Longueuil, c'est ce service municipal qui a mené l'enquête. Ils ont jeté les échantillons d'ADN les plus importants. Je ne veux pas que d'autres familles aient à subir cette incompétence », a partagé sa mère Yvonne âgée aujourd'hui 81 ans.

Trouver les responsables

Celui qui a déclenché cette mobilisation, c'est le documentariste Stephan Parent, qui a raconté l'histoire de ces crimes non résolus dans son film « 7 femmes ». Pour lui, ces cas ne sont que la pointe de l'iceberg, alors qu'il dit avoir recensé une soixantaine de femmes tuées dont les meurtres n'ont jamais été résolus.

Dans les décennies 1970 et 1980, la SQ compterait plus de 600 affaires non résolues incluant hommes, femmes et enfants.

« D'anciens enquêteurs m'ont dit de façon anonyme, dans plusieurs dossiers il ne reste que les photos. Tout a été détruit », affirme M. Parent. Un constat qui nécessite de fouiller la question afin de trouver les responsables. Il rappelle que c'est criminel de détruire des preuves dans une affaire en cours et tous ces dossiers demeurent actifs.

De son côté, Stéphane Luce aimerait au moins que les policiers reconnaissent leurs fautes.

« Si les policiers ne peuvent pas faire plus dans le dossier, la moindre des choses serait qu'on nous offre des excuses. Pas juste à moi, mais à toute ma famille. »