Le Tribunal administratif du travail a donné raison à une ancienne employée d'une entreprise de la Montérégie qui disait avoir été victime de violence psychologique et de harcèlement sexuel sur les lieux de son travail, a indiqué La Voix de l'Est, samedi.

Dans une décision rendue le 6 mars, dont La Presse canadienne a aussi obtenu copie, la juge Marie-Claude Grignon a conclu que l'employeur, 9318-3580 inc., faisant affaire sous le nom de Pavage Racine et Genest, avait « manqué à ses obligations en l'absence de mesures raisonnables pour prévenir et faire cesser le harcèlement psychologique subi par la plaignante ».

La juge a réservé sa décision pour déterminer les mesures de réparation appropriées.

L'histoire remonte à la fin novembre 2015.

Ce jour-là, la plaignante est agressée sexuellement dans les locaux de l'entreprise par un homme identifié sous les initiales M. R. Il s'agit du frère d'un de ses patrons, avec qui elle venait de rompre. L'individu lui aurait caressé une cuisse et le bord d'un sein avant qu'elle lui ordonne de la lâcher en haussant le ton. L'homme s'arrête et quitte les lieux.

Choquée par les événements, elle appelle un de ses patrons Dominique Racine pour l'informer de ce qui vient de se produire et d'obtenir de l'aide.

Las ! L'homme est en état d'ébriété lorsqu'il se présente chez elle. Ils vont tous deux dans un bar pour discuter de la situation. En sortant du bar, il lui pince les fesses. Plus tard, dans l'automobile de la plaignante, il lui caresse une cuisse, tente de lui prendre un sein et la force à lui toucher le pénis, a témoigné la plaignante.

Racine a nié ces allégations, mais la juge a refusé de le croire.

« Le Tribunal ne peut tout simplement pas prêter foi au témoignage de monsieur Racine. Celui-ci choisit de ne pas se souvenir de ce qu'il est préférable d'oublier et modifie son témoignage en conséquence [...]. Pour sa part, la plaignante s'est exprimée avec un aplomb et un courage remarquables tout au long de son témoignage. Contrairement à monsieur Racine, elle a relaté les faits sans contradiction et avec une grande cohérence », écrit la juge.

La juge écrit que la plaignante « a non seulement démontré avoir fait l'objet d'une conduite vexatoire de la part de M. Racine, mais d'une conduite qui peut être qualifiée d'abjecte ».

Mais les événements ne se terminent pas là.

Le surlendemain, elle raconte l'histoire à l'autre patron de l'entreprise, Samuel Genest, qui aurait alors ri comme si son associé avait commis une blague grivoise. Racine lui dit qu'il ne se souvient de rien.

Le lundi suivant, la plaignante constate qu'une pancarte a été installée sur son bureau. On pouvait y lire : « Interdiction de cruiser la secrétaire merci ». La juge note que cette « soi-disant blague a pourtant eu comme effet d'humilier davantage la plaignante alors qu'elle interpellait ses patrons pour dénoncer les gestes [qu'elle avait subis] ».

Au milieu de décembre, elle est mise à pied, comme il était prévu. Pendant la période des Fêtes, elle ne se sent pas bien et doit se rendre dans une urgence. Un médecin lui prescrit des médicaments et elle consulte un psychologue. En mars, elle présente une réclamation à la CNESST et l'IVAC.

Le retour au travail est difficile. Il semble que Genest ne lui laisse rien passer, lui reprochant notamment de ne pas être capable de prendre des numéros de téléphone et une erreur de calcul sur la TPS et la TVQ.

L'état de santé de la plaignante se dégrade. En mai 2016, elle reçoit un diagnostic de « trouble stress post traumatique » relativement aux événements de novembre 2015. Racine dira ne pas être au courant. Encore là, la juge ne le croit pas.

Le 17 mai, la plaignante est congédiée.

Selon la juge Grignon, la conduite de l'employeur « est d'autant plus vexatoire qu'il se refuse à reconnaître le degré de souffrance qu'ont pu occasionner chez la plaignante les événements » de novembre 2015. Elle constate que « non seulement messieurs Racine et Genest n'ont pas apporté l'aide requise à la plaignante à la suite de ces événements, mais la seule mesure prise à son endroit fut de lui installer une pancarte humiliante sur son bureau lors de son retour au travail la semaine suivante ».

La juge souligne que « tous ces événements, le manque de soutien et l'humiliation qui a suivi rendent la plaignante malade ».