L'influent Hells Angel Salvatore Cazzetta et Revenu Québec se livrent depuis plus de cinq ans un bras de fer qui a failli prendre fin avec un accord, mais qui vient de revenir à la case départ.

Revenu Québec réclame en effet au motard des impôts impayés sur des revenus non déclarés pour la période allant de 1989 à 1996, il y a donc trente ans à compter de cette année. 

Durant les années 90, la GRC a mené une enquête sur des trafiquants de drogue et des receleurs. Avec l'aide d'un juricomptable, elle a évalué le profil financier des suspects.

Cazzetta n'a pas été arrêté et accusé dans cette affaire, mais les pièces justificatives ont démontré que l'écart total par avoir net était de plus de 840 000 $ au cours de ces cinq années durant lesquelles le motard n'a pas produit de déclaration de revenus. 

À cette époque, Cazzetta était le chef des Rock Machine, qui livraient une guerre sanglante aux Hells Angels. Mais les Rock Machine se battaient sans leur chef, puisqu'il était alors détenu aux États-Unis pour trafic de cocaïne.

C'est après sa libération et son retour au Québec que Cazzetta est passé dans le camp adverse des Hells Angels, en 2005.

Après avoir reçu l'avis de Revenu Québec pour impôts impayés, Cazzetta a présenté en 2014 une requête introductive d'instance en appel des cotisations à la Cour du Québec, chambre civile. 

Le dossier n'a ensuite à peu près pas bougé jusqu'en 2017.

Nolle prosequi opportun

Cette année-là, Cazzetta a en effet bénéficié d'un nolle prosequi (arrêt des procédures) dans une affaire de recel d'argent lié au trafic de stupéfiants, de sorte qu'il a pu récupérer une somme de 250 000 $ que la police avait saisie.

Le motard a alors chargé son avocat de régler à l'amiable ce dossier d'impôts qui s'éternisait. Après avoir versé 50 000 $ en honoraires à ses avocats au criminel, il a dit à son avocat au civil qu'il était prêt à aller jusqu'à une somme maximale de 200 000 $ avec Revenu Québec.

Les deux parties ont alors entamé des discussions et se sont mutuellement présenté offres et contre-offres. En septembre 2017, Revenu Québec a déposé une proposition que l'avocat de Cazzetta a acceptée, croyant, après calcul, que le montant respectait le budget maximal fixé par le motard, sans toutefois avoir fourni un montant précis à Cazzetta.

Or, Revenu Québec a plus tard indiqué qu'en vertu de l'entente conclue avec son avocat, Cazzetta devait lui verser 394 000 $. Le motard a refusé net, affirmant que son avocat n'avait jamais eu le mandat d'accepter un tel montant. 

« Pas sur la même fréquence radio »

Le 15 janvier dernier, le juge Éric Dufour de la Cour du Québec a rejeté une requête de Revenu Québec, qui voulait faire homologuer l'entente, et a accueilli une demande de Cazzetta lui permettant de désavouer son avocat. Du coup, le juge a réduit à néant l'entente entre les deux parties.

« Les parties n'étaient pas sur la même fréquence radio. La preuve montre qu'elles n'ont pas la même interprétation des échanges entrepris et tenus de bonne foi. »

« Le fiscaliste de Cazzetta a cru, de bonne foi, avoir le mandat d'accepter l'offre de Revenu Québec. Le préjudice subi par Cazzetta est évident : rembourser le double de ce qu'il était prêt à payer pour régler le sort des avis de cotisation », écrit notamment le magistrat. 

Cazzetta a aussi présenté une requête pour déclarer inhabiles le procureur de Revenu Québec et un cabinet d'avocats, mais celle-ci a été rejetée par le juge Stéphane D'Avignon de la Cour du Québec. Le dossier est actuellement au point mort.

Salvatore Cazzetta poursuit, par ailleurs pour 2 millions de dollars, le Procureur général du Québec, le Directeur des poursuites criminelles et pénales du Québec et la Sûreté du Québec parce qu'il considère avoir été injustement arrêté et accusé à la suite de l'opération Mastiff, par laquelle la Division des produits de la criminalité de la SQ a démantelé en novembre 2015 un réseau de trafic de stupéfiants opérant dans le secteur Hochelaga-Maisonneuve à Montréal.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l'adresse postale de La Presse.