L’homme qui a attaqué son ex-femme et sa fille de 2 ans avant Noël, à Montréal, est mort dimanche. Sa victime en appelle au premier ministre Justin Trudeau pour que les hommes en détresse psychologique obtiennent l’aide dont ils ont besoin.

« S’il n’était pas allé en prison, on n’en serait pas là aujourd’hui. »

La femme qui a été victime d’une violente agression commise par son ex-conjoint, le 15 décembre à Montréal, est en colère.

L’homme est mort tôt dimanche matin des suites des blessures qu’il s’était infligées lors des événements.

Il avait besoin d’une thérapie plutôt que d’un séjour derrière les barreaux, affirme K.G., que La Presse ne peut nommer afin de ne pas identifier sa fille mineure, également victime dans cette affaire.

Pire, son incarcération a aggravé les choses, selon elle.

« Il a développé son plan en prison », d’où il était sorti trois semaines plus tôt, lance-t-elle.

N’acceptant pas leur séparation, l’homme s’est introduit chez elle, armé d’un couteau, et l’a tenue captive avec leur fille de 2 ans pendant près de trois heures.

« Il lui fallait un moyen de comprendre la séparation, pas l’enfermer en prison avec d’autres hommes qui ont violenté leur femme », pense K.G., évoquant le « besoin d’amour » de cet homme qui a eu une enfance difficile dans les Laurentides, entre violence et racisme.

« S’il avait été encadré, ma fille aurait encore son papa », dit-elle.

D’autant que l’homme n’a jamais caché sa détresse, affirme-t-elle, soulignant qu’il avait notamment fréquenté les Alcooliques anonymes.

Message à Justin Trudeau

« Le système est fait pour le post-trauma, le post-drame, pas pour la prévention », déplore K.G., qui est enseignante en soins infirmiers.

J’en veux à ce système-là, qui ne m’a pas protégée, et qui ne l’a pas protégé non plus de lui-même.

K.G.

« Je responsabilise tout le monde, tous les gens qui ne l’ont pas aidé à traverser cette période sombre. »

Elle s’inclut dans ces critiques, confiant ressentir de la culpabilité par moments lors d’un entretien avec La Presse dans un café de la métropole, lundi.

K.G. interpelle le premier ministre Justin Trudeau, réclamant un plan d’action.

« Il faut de la thérapie, il faut détecter les signes de détresse psychologique, offrir de l’aide, pas les enfermer dans une place avec d’autres agresseurs », dit-elle, estimant que la coercition a fait plus de tort que de bien dans son cas.

« [Mon ex-conjoint] s’est enlevé la vie, il est mort, est-ce que c’est mieux pour ma fille ? Non. »

« Ma fille est orpheline »

Malgré leur rupture, K.G. éprouvait beaucoup d’empathie pour son ex-conjoint.

« Il est le père de ma fille, je l’ai aimé et on s’est mariés, je voulais juste qu’il arrête d’être jaloux », raconte-t-elle.

« Je n’ai pas voulu priver ma fille de son père, je voulais qu’il soit là pour elle, poursuit-elle. Ma fille a 2 ans, elle ne verra jamais son père à sa fête, à Noël, au jour de l’An. »

K.G. a publié un message sur sa page Facebook annonçant la mort de son ex-conjoint, accompagné de nombreuses photos de leur vie quotidienne avec leur fille, leurs voyages et leur mariage.

« Tu nous as quittés aujourd’hui, t’as quitté [notre fille] trop tôt. Repose en paix ! ! ! », écrit-elle.

K.G. s’était d’ailleurs rendue au chevet de son ex-conjoint le jour de Noël, « pour faire la paix ».

L’angoisse d’expliquer

K.G. angoisse à l’idée de devoir expliquer à sa fille, lorsqu’elle grandira, l’absence de son père.

« Comment je vais lui annoncer ça ? Comment elle va vivre ça ? s’interroge-t-elle. Elle va être frustrée, elle aussi, envers ce système qui n’a pas protégé son père. »

Je ne dors pas la nuit, je pense juste à ça.

K.G.

Le quotidien est aussi source de stress pour K.G., qui s’inquiète des signes d’insécurité que montre sa fille, pendant qu’elle doit trouver une nouvelle garderie et un nouveau toit.

Sa recherche d’appartement a d’ailleurs mal tourné, dimanche ; son compte bancaire a été vidé par quelqu’un à qui elle avait fourni des renseignements personnels dans le cadre de ses démarches.

« Je ne vois pas le bout du tunnel », dit-elle, avant de se ressaisir.

« Je prends la vie une journée à la fois », rectifie-t-elle.

Quand on lui demande ce qu’on peut lui souhaiter, sa réponse vient spontanément : « La paix. C’est tout ce que je voulais. Toujours, la paix. Je ne voulais pas autre chose. »

Manque de ressources

Le cri du cœur de K.G. n’étonne pas le président-directeur général du Conseil pour la protection des malades, Paul Brunet.

Il déplore lui aussi le manque de « mesures d’aide mitoyennes, alternatives ou intermédiaires » pour les gens dont l’état de santé mentale ne justifie pas une hospitalisation, mais qui représentent un danger potentiel.

« Ces cas-là, qui mériteraient d’être mieux encadrés, sont confrontés à un manque de ressources », constate-t-il.

La police dispose alors de bien peu de moyens autres que la judiciarisation, fait-il valoir.

« La santé mentale, résume-t-il, c’est l’enfant pauvre. »

Besoin d’aide ?

Si vous êtes victime de violence conjugale et cherchez aide et répit, contactez SOS Violence conjugale au 1 800 363-9010. Des intervenants y sont disponibles 24 heures sur 24, sept jours sur sept.

Si vous avez besoin de soutien, si vous avez des idées suicidaires ou si vous êtes inquiet pour un de vos proches, contactez le 1 866 APPELLE (1 866 277-3553). Un intervenant en prévention du suicide est disponible pour vous 24 heures sur 24, sept jours sur sept.