En téléchargeant des documents sensibles sur l’ordinateur d’une collègue, est-ce que le policier Marc-Olivier Perron a voulu nuire à celle-ci, pour qu’elle soit chassée du Bureau d’analyse des renseignements (BARC) criminels de la police de Longueuil?

C’est l’une des hypothèses que la procureure de la Poursuite, Me Geneviève Beaudin, a évoqué devant le jury, durant sa plaidoirie, au procès du policier longueuillois, accusé d’utilisation frauduleuse d’un ordinateur et d’abus de confiance.

Me Beaudin a souligné aux sept hommes et cinq femmes que les témoignages entendus démontrent que Perron et sa collègue n’étaient pas en bons termes lorsque le policier a passé 73 minutes sur l’ordinateur de cette dernière, et téléchargé plus de 2400 fichiers sur une carte mémoire, le soir du 17 mars 2016.

«Est-ce que ce soir-là, M. Perron n’a pas voulu démontrer à quel point Mme Turgeon était incompétente et qu’elle n’aurait pas dû être embauchée au BARC? Est-ce que c’est une simple erreur de jugement de sa part ou il a franchi une ligne criminelle?», a lancé Me Beaudin, en invitant les jurés à se poser ces questions durant leurs délibérations.

«Pourquoi a-t-il téléchargé des documents personnels de cette collègue», a-t-elle demandé plus tard.

Comportement de manigances

Faisant ressortir les points importants de plusieurs témoignages dans un crescendo assuré, Me Beaudin s’est questionnée sur les raisons des gestes posés par Perron, alors que la Défense a affirmé la veille qu’il n’y avait pas de mobile.

«Si M. Perron voulait démontrer des failles de sécurité, pourquoi ne pas avoir simplement ouvert l’ordinateur de sa collègue et démontré qu’il pouvait accéder aux fichiers? Bingo! La démonstration aurait été faite. Pourquoi avoir apporté la carte mémoire chez lui et ne pas l’avoir laissée sur le bureau de son supérieur immédiat, le lieutenant détective Martin Valiquette?», a demandé la procureure.

Me Beaudin a plaidé que le lieutenant Valiquette a donné à Perron le mandat de dénicher les failles de sécurité au BARC, en respectant des «balises», mais seulement à l’époque où les bureaux se trouvaient sur le chemin du Lac, et non plus après qu’il eurent déménagé dans un endroit beaucoup plus sécuritaire.

Elle a souligné le fait que Perron a alerté ses patrons lorsqu’il a trouvé des brèches, telle cette filière qu’il a déverrouillée avec un trombone, ou cette employée du BARC qu’il a dénoncée, car elle fréquentait un restaurant fréquenté par des criminels. Mais jamais il ne leur a dit qu’il a téléchargé les 2400 fichiers ou copié la clé USB de l’un de ses supérieurs, qui contenait des informations sur une enquête interne sensible.

«Comment voulait-il que les failles soient colmatées s’il ne disait pas à ses supérieurs ce qu’il faisait?», a demandé Me Beaudin.

La procureure a également insisté sur le fait que le soir du 17 mars 2016, Perron a téléchargé des fichiers durant une vingtaine de minutes, sur les 73 qu’il a passées sur l’ordinateur de sa collègue. «Qu’a-t-il fait durant les 53 minutes restantes? Il a visionné des fichiers. Il a sélectionné les fichiers qu’il a copiés», a-t-elle prétendu.

Durant ces 73 minutes, Perron a également fait des recherches pour effacer ses traces. Il a ouvert l’ordinateur de sa collègue peu après 16h, mais l’a fermé lorsque son supérieur est arrivé à l’improviste. Il est retourné le soir et a fermé les lumières durant sa présence dans les bureaux du BARC.

«Est-ce que cela ne révèle pas que son comportement ce soir-là était empreint de manigance et de malhonnêteté?», a encore fait valoir la procureure.

«Le soir du 17 mars 2016, M. Perron a dépassé les limites, non seulement de son code de déontologie mais les limites du comportement criminel. Il avait des intentions malhonnêtes, frauduleuses et contraires à l’intérêt public. Il n’y a pas de place au doute raisonnable», a conclu Me Beaudin.

Les jurés sont en congé en fin de semaine. La juge Myriam Lachance de la Cour supérieure leur donnera les directives mardi matin et les délibérations débuteront ensuite.

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