Un tribunal ontarien a rejeté une poursuite intentée par Subway à l’encontre du réseau anglais de Radio-Canada au sujet d’un reportage sur le contenu de ses sandwichs au poulet, mais a déclaré qu’une action en justice contre le laboratoire qui a testé les produits pouvait avoir lieu.

Subway a poursuivi en justice CBC et l’Université Trent, qui gère le laboratoire, pour diffamation à la suite de la diffusion de Marketplace en février 2017 et des publications en ligne qui l’accompagnaient sur les produits de poulet canadiens de la chaîne.

La poursuite soutenait que le reportage — qui indiquait avoir trouvé seulement 50 % d’ADN de poulet dans les sandwichs au poulet de Subway contenant la même proportion de soja — était basé sur une enquête erronée et avait causé d’importantes pertes commerciales à la société.

Subway IP, société établie aux États-Unis, ainsi que Subway Franchise Systems of Canada et Doctor’s Associates aux États-Unis, ont réclamé 210 millions de dommages et intérêts.

CBC et l’Université Trent ont demandé à la Cour de rejeter la poursuite avant la tenue d’un procès en vertu de la loi contre les poursuites-bâillons, qui vise à protéger la liberté de parole sur des questions d’intérêt public.

Dans une décision rendue la semaine dernière, le juge Edward Morgan de la Cour supérieure de l’Ontario a déclaré que le fait de rejeter l’action en justice contre le radiodiffuseur cadrait dans les objectifs de la loi en matière de promotion de la participation aux débats sur des questions d’intérêt public.

« Dans les circonstances, j’estime que ces objectifs publics sont respectés en rejetant l’action contre CBC. Ils l’emportent sur tout impact potentiel que cela pourrait avoir sur les intérêts privés de Subway », a-t-il écrit.

Le juge a déclaré qu’il était clair que l’émission traitait d’une question d’intérêt public — plus précisément d’un « problème essentiel de protection des consommateurs ».

M. Morgan a conclu que la requête de Subway était bien fondée, tout en soulignant que le tribunal n’était pas obligé de peser l’affaire au complet, mais simplement de déterminer si l’entreprise avait une chance d’avoir gain de cause dans le cadre d’un procès.

« Bien que je ne tire aucune conclusion définitive, de nombreuses preuves suggèrent le caractère faux et préjudiciable des informations communiquées au public dans le reportage de Marketplace », a écrit le juge.

Cependant, le juge a conclu que Subway n’avait pas démontré que CBC n’avait pas de défense valable. Le radiodiffuseur avait présenté un moyen de défense fondé sur la communication raisonnable, affirmant avoir pris des mesures raisonnables pour valider l’exactitude de ses reportages.

« CBC a fait ses recherches sur le personnel de l’Université Trent — une source déjà indépendante — et a engagé son propre expert pour enquêter et donner des conseils sur la méthodologie et les résultats de Trent. Ces efforts pour contacter des sources crédibles constituent un excellent moyen de définir le critère de responsabilité qui est fondamental pour la défense de CBC », a dit le juge, ajoutant que le radiodiffuseur avait inclus la position de Subway dans le reportage.

La tentative de l’Université Trent de faire en sorte que l’action en justice soit rejetée en vertu de la loi contre les poursuites-bâillons n’a toutefois pas abouti.

L’université est poursuivie pour négligence et diffamation, et n’a demandé que le rejet de la poursuite pour négligence, ce que le juge a qualifié de « stratégie juridique inhabituelle ».

« Il serait concevable que la partie de la poursuite intentée par Subway contre Trent, alléguant des propos diffamatoires de son personnel lors des entretiens dans le reportage de Marketplace, constitue une tentative de dissiper un message d’intérêt public. Mais cette question n’est pas devant le tribunal. Il est beaucoup plus difficile de concevoir que la partie de la poursuite intentée par Subway contre Trent, qui allègue un travail de laboratoire négligent, constitue une tentative de dissiper tout message [d’intérêt public] », écrit le juge.