(Sorel) La Cour n’a mis que très peu de temps à statuer sur le sort d’Alexandre Parent, ce sympathisant de l’extrême droite qui avait invité les internautes à violenter la journaliste Camille Lopez après qu’elle eut démasqué une fausse information propagée par l’accusé.

Le quadragénaire n’a pas obtenu l’absolution qu’il réclamait, mais n’ira pas en prison, comme le souhaitait la Couronne ; moins d’une heure après avoir entendu les observations sur la peine, le juge Marc Nicolas Foucault, de la Cour du Québec, a condamné Alexandre Parent à deux ans de probation assortie de nombreuses et sévères conditions restrictives l’empêchant d’avoir toute forme de contact ou de proximité avec la journaliste, ainsi qu’à verser à cette dernière un dédommagement pour sa perte de revenus durant le temps où elle était incapable de travailler après avoir été ainsi menacée.

C’est donc dire qu’Alexandre Parent devra vivre avec un casier judiciaire, ce qu’il cherchait à éviter.

« On a tranché la poire en deux, a résumé Mme Lopez lorsque rejointe par La Presse canadienne. Je suis juste contente que ce soit terminé. »

« Dénoncer les propos haineux »

La journaliste, qui qualifie la décision d’« appropriée », espère que l’affaire enverra le bon message non seulement à la population en général, mais aussi à la profession journalistique : « J’espère qu’elle va créer un précédent et encourager les journalistes à dénoncer les propos haineux à leur endroit, propos qui sont de plus en plus fréquents et qui se propagent de plus en plus rapidement. »

L’homme de 43 ans avait plaidé coupable, en juin dernier au palais de justice de Sorel, à une accusation relativement peu utilisée, mais lourde de conséquences, soit celle d’avoir conseillé de commettre une infraction qui n’a pas été commise, en l’occurrence des voies de fait.

La Couronne réclamait 30 jours de bagne en plus des conditions accordées par le juge Foucault, alors que la défense demandait l’absolution inconditionnelle, des travaux communautaires et le dédommagement qui a été accordé à la victime, l’absolution étant nécessaire selon la défense pour soutenir la réinsertion sociale de l’accusé, qui est sans emploi.

Le juge a cependant refusé d’absoudre Alexandre Parent, estimant qu’une telle décision serait mal perçue dans le public. Le magistrat a par ailleurs fait valoir que les conditions restrictives visaient non seulement à protéger le droit de Mme Lopez à bénéficier de quiétude et sécurité tant dans son travail que dans sa vie privée, mais aussi à assurer les droits et la liberté de la presse.

Éviter de victimiser l’accusé

Le juge a invoqué le fait que l’affaire avait été médiatisée comme circonstances atténuantes.

Le procureur Simon Murray avait cependant pris soin de demander au juge de se concentrer seulement sur le crime commis par l’accusé et de ne pas s’attarder à ses opinions afin d’éviter que celui-ci ne cherche à se victimiser sur la base de ses idées politiques.

« Ce dossier montre à quel point la liberté de la presse est importante, mais que la liberté d’expression l’est tout autant. On ne veut pas qu’Alexandre Parent se victimise là-dedans. Ce qu’on dénonçait, ce ne sont pas ses idées ; c’étaient vraiment les propos menaçants à mon endroit. Oui, parlez, exprimez vos opinions, mais faites-le d’une manière qui respecte la loi et qui ne va contraindre personne et qui surtout n’empêchera personne de travailler », a fait valoir la journaliste au lendemain du prononcé de sentence.

« Vous pouvez la frapper »

L’affaire avait débuté lorsque Camille Lopez, spécialiste en déconstruction de fausses nouvelles à L’Actualité, avait démenti une vidéo d’Alexandre Parent dans laquelle il dénonçait le silence des médias entourant un incident survenu le 19 mai 2018 lors d’une manifestation anti-immigration. À cette occasion, la militante et blogueuse de droite Faith Goldy avait été prise à partie et bousculée par des manifestants antifascistes devant les caméras de télévision. Dans sa vidéo, partagée plus de 900 000 fois, Alexandre Parent reprochait aux médias de ne pas avoir rapporté l’incident.

Dans un article publié le 31 mai suivant, Mme Lopez avait démontré preuves à l’appui qu’au contraire, les médias avaient bel et bien rapporté l’incident et, quelques jours plus tard soit le 6 juin, Alexandre Parent avait publié ses menaces contre elle sur Facebook.

Il avait notamment écrit (tout en lettres majuscules) sur sa page Facebook au sujet de Camille Lopez : « Vous pouvez […] la frapper et détruire son équipement, c’est légal. Je vais publier son adresse et les médias pour qui elle travaille […] et je vais publier l’adresse de ses patrons, leur face, leur nom, leur état financier, leur famille et tout ce qu’ils font ».

Camille Lopez était venue témoigner devant la Cour pour raconter à quel point elle avait été secouée lorsque mise au courant de ces menaces, à quel point elle avait craint que des gens donnent suite à ces propos. Elle avait été incapable d’écrire de nouveaux articles durant un mois après avoir pris connaissance de la menace.

L’article 464 du Code criminel en telle circonstance précise qu’une personne qui « conseille à une autre personne de commettre un acte criminel est […] passible de la même peine que celui qui tente de commettre cette infraction », et ce, même si l’infraction n’a pas été commise. Dans le cas d’Alexandre Parent, puisqu’il s’agissait d’une invitation à commettre des voies de fait, il s’exposait à une peine maximale de cinq ans d’emprisonnement.