(Québec) Le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) répond à ses détracteurs : « la raison d’être de l’organisme n’est pas d’augmenter le nombre de policiers accusés, pas plus que de le réduire », écrit sa directrice, Madeleine Giauque, dans un rapport déposé à l’Assemblée nationale mercredi.

En trois ans, le BEI a ouvert 132 dossiers d’enquête indépendante, enquête menée lorsqu’une personne est blessée ou tuée au moment d’une intervention policière. De ce nombre, 94 rapports d’enquête ont été déposés au Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) : il n’y a eu aucune accusation contre un policier jusqu’ici, alors que 19 dossiers sont toujours à l’étude.

La « police de la police » a également ouvert 76 dossiers concernant des allégations criminelles. Sur les 29 dossiers transmis au DPCP jusqu’ici, des accusations ont été portées contre un policier dans deux événements distincts, selon le rapport.

Madeleine Giauque souligne que plusieurs médias ont relevé le faible nombre d’accusations au cours des derniers mois. Il faut selon elle « mettre les choses en perspective ». « Un taux de mises en accusation n’est pas un taux de condamnation. Prétendre que le taux de mises en accusation devrait faire office de mesure de réussite ou d’indicateur de succès dans le cas des enquêtes indépendantes serait illogique et tendancieux pour un bureau qui se doit avant tout d’être impartial », écrit-elle.

« Lorsque le DPCP annonce dans un dossier d’enquête indépendante que les policiers impliqués n’ont commis aucune infraction criminelle, ce n’est pas un désaveu des efforts déployés par les membres du BEI ou de la qualité de leur travail. Au contraire, cette décision est prise de façon éclairée grâce au rapport produit par le Bureau. »

Elle invite à la prudence quant aux comparaisons statistiques qui peuvent être faites avec d’autres provinces puisque les mandats et les façons de faire diffèrent.

Elle ajoute : « Tant les citoyens que les membres des forces de l’ordre ont droit à un traitement juste, ce que j’ai tenté d’ériger en système au BEI ».

Le dépôt de ce rapport est une obligation prévue à la loi créant le BEI et adopté en mai 2013. Le texte législatif prévoit qu’un tel rapport doit être produit trois ans après le début de la première enquête, ce qui est arrivé le 9 juillet 2016.

« Même si des difficulté inhérentes à la législation rendent plus ardue la gestion du corps de police spécialisé qu’est le BEI, il ne faut pas y voir la preuve qu’il n’a pas été en mesure de remplir sa mission », souligne Mme Giauque. Elle fait des recommandations pour améliorer le fonctionnement du Bureau.

Madeleine Giauque quittera ses fonctions à la fin de son mandat, en décembre, chose qu’elle avait déjà signifiée. « Je pense que l’impartialité et l’indépendance du BEI seront mises à rude épreuve dans les prochaines années. Il appartiendra au gouvernement et aux futurs dirigeants de l’organisme de décider si la formule actuelle convient ou si des modifications doivent être apportées tant au niveau législatif que dans la philosophie avec laquelle j’ai travaillé depuis le 12 janvier 2015 », note-t-elle. Elle dit avoir fait le nécessaire pour rendre opérationnel le BEI et en assurer le bon fonctionnement. « Il reste maintenant à solidifier sa culture pour qu’elle perdure dans le temps. Ça ne sera pas facile, puisqu’il s’agit de modifier des mentalités, des perceptions et des attentes, tant à l’interne qu’à l’externe. Un contrôle constant et très strict sera nécessaire », juge-t-elle.

Le BEI fait enquête sur les fuites à l’UPAC. Le rapport précise le personnel affecté à ce mandat : un chef d’équipe, deux enquêteurs – des ex-policiers-, mais également huit autres enquêteurs contractuels.