Le Collège d’études ostéopathiques, l’un des plus importants établissements d’enseignement de la profession au Québec, est poursuivi au civil par une ex-élève qui estime ne pas avoir été suffisamment aidée après qu’elle eut été agressée sexuellement par un formateur invité lors d’un symposium international organisé par le Collège.

La plaignante accuse l’ostéopathe français Marc Bozzetto de l’avoir agressée sexuellement lors d’un symposium organisé par le Collège d’études ostéopathiques en juin 2016. Des accusations criminelles à ce sujet ont été déposées contre M. Bozzetto en octobre 2018, mais la cause n’a pas encore été entendue.

Dans une poursuite civile déposée en mai, la plaignante dit vouloir « obtenir une indemnité en réparation du préjudice subi découlant de l’agression sexuelle dont elle a été victime », agression qui aurait été commise par Marc Bozzetto le 7 juin 2016.

PHOTO TIRÉE DU SITE INTERNET DU CENTRE D’OSTÉOPATHIE ATMAN

Marc Bozzetto, président fondateur du Centre d’ostéopathie Atman en France

La plaignante et son conjoint réclament des dommages (175 000 $) à Marc Bozzetto, mais aussi au Collège d’études ostéopathiques et à son président, Philippe Druelle, « aux motifs qu’ils n’ont pas assuré la protection de la santé et de la sécurité de leur étudiante, qu’ils ont tenté de faire taire la demanderesse et, [au] surplus, qu’ils n’ont offert aucune assistance ou aide à la demanderesse suivant l’agression sexuelle dont elle a été victime ».

M. Druelle affirme que dès que la plaignante l’a informé des gestes reprochés à M. Bozzetto, il lui a « immédiatement exprimé [son] soutien ». « J’ai été bouleversé par la gravité des allégations qui se seraient produites dans la chambre d’hôtel de M. Bozzetto », affirme M. Druelle par courriel.

J’espère qu’elle sera entendue comme il se doit, mais je regrette que le collège soit impliqué dans cette triste histoire qui concerne [la plaignante] et M. Bozzetto.

Philippe Druelle, président du Collège d’études ostéopathiques

M. Bozzetto n’a pas donné suite aux appels de La Presse. L’avocat qui représente M. Bozzetto dans sa poursuite civile, Hugo Champoux, affirme que son client « nie catégoriquement » avoir agressé sexuellement la plaignante. Me Mélanie Morin, qui représente la plaignante, explique que celle-ci ne veut pas commenter le dossier qui en est pour l’instant au stade préliminaire. Les procédures civiles reprendront en octobre.

Traitement de cicatrices

Selon la demande introductive d’instance déposée à la cour, la plaignante a commencé des études au Collège d’études ostéopathiques en 2011. En juin 2016, dans le cadre de son symposium annuel, le Collège a invité Marc Bozzetto, président fondateur du Centre d’ostéopathie Atman en France, à venir donner une conférence sur « l’évaluation et le traitement des névropathies d’emprisonnement et des neuropathies du système nerveux central ».

Agissant à titre de camérawoman bénévole, la plaignante dit avoir discuté avec Marc Bozzetto le 5 juin pour savoir comment traiter des cicatrices qu’elle avait à l’abdomen « résultant de ses deux césariennes et d’une ovariectomie ». Selon la plaignante, Marc Bozzetto aurait alors dit qu’il pourrait la traiter.

Le 7 juin, « la demanderesse a demandé à monsieur Bozzetto s’il voulait toujours traiter ses cicatrices et lui enseigner sa technique », peut-on lire dans la demande introductive. La plaignante aurait proposé à Marc Bozzetto de procéder dans une salle de traitement du Collège. Ce dernier aurait plutôt proposé de le faire dans sa chambre d’hôtel.

Disant avoir été « inconfortable » avec la proposition, la plaignante dit en avoir discuté notamment avec son mari. Jugeant qu’il s’agissait « d’un ostéopathe de renom » et que Marc Bozzeto avait fait cette proposition devant d’autres personnes, ils ont donc « convenu qu’elle allait accepter la proposition ».

Dans sa requête, la plaignante affirme que les « traitements » prodigués par Marc Bozzetto « ne peuvent en aucune circonstance s’apparenter à des traitements d’ostéopathie ». Elle explique entre autres avoir dû se dévêtir complètement « sans couverture aucune ».

Durant l’agression dont la plaignante aurait été victime, qui aurait duré 90 minutes, Marc Bozzetto aurait tenu « des propos à caractère sexuel notamment en lui demandant si elle voulait toucher son pénis ».

Marc Bozzetto l’aurait entre autres embrassée sur la joue et les seins et aurait introduit ses doigts dans ses organes génitaux sans porter de gants et en utilisant sa salive comme lubrifiant, affirme la plaignante. « Lors de cette agression, monsieur Bozzetto a tenté à maintes reprises de convaincre la Demanderesse de l’utilité d’une pénétration dans un but soi-disant thérapeutique, ce à quoi elle s’est fermement opposée », peut-on lire dans la procédure. La plaignante dit avoir été figée et avoir évité de « tenter des manœuvres qui auraient pu aggraver la situation déjà fort pénible et douloureuse ».

Aucune aide

Dès le lendemain, la plaignante dit avoir annulé sa présence comme camérawoman bénévole au symposium du Collège d’études ostéopathiques. À l’été 2016, le président du Collège, M. Druelle, l’aurait contactée pour revenir sur les événements. Sachant que des liens existaient entre M. Druelle et M. Bozzetto, la plaignante dit avoir été mal à l’aise de se retrouver seule avec M. Druelle.

En septembre 2016, M. Druelle aurait apostrophé la plaignante dans les couloirs du Collège et « aurait usé de son autorité afin de l’intimider pour vraisemblablement, d’une part, étouffer l’affaire et éviter d’atteindre la réputation du Collège et, d’autre part, pour protéger M. Bozzetto », est-il écrit dans la requête.

La plaignante déplore que le Collège d’études ostéopathiques, « bien que dûment informé de l’agression sexuelle, […] n’a jamais entrepris quelques démarches que ce soit pour l’aider, la soutenir ou lui offrir de l’aide psychologique afin de franchir cette épreuve ».

Dans un document transmis à la cour, M. Druelle se défend d’avoir voulu étouffer l’affaire. Au contraire, il dit avoir suggéré à la plaignante de « s’adresser promptement aux autorités policières afin d’initier une enquête ».

Directeur général du Collège d’études ostéopathiques, Bernard Philie affirme qu’un soutien a été offert à la plaignante. M. Philie mentionne que M. Bozzetto n’a plus jamais été invité par le Collège d’études ostéopathiques pour donner des formations. Il précise qu’il s’agit de la seule plainte du genre depuis la création du Collège, en 1981.

Une « manigance »

Dans un reportage diffusé le 13 février 2018, un journaliste de France 3 a exposé le témoignage d’ex-élèves du Collège Atman qui disaient avoir été victimes d’attouchements de la part de M. Bozzetto. Dans le reportage, ce dernier plaidait une « mauvaise interprétation » de ces élèves.

Le 21 février 2018, dans une entrevue publiée dans le journal Nice-Matin, M. Bozzetto a commenté les accusations portées contre lui à Montréal. « Il s’agit d’une élève, enseignante en ostéopathie au Collège de Montréal, qui m’a demandé de lui enlever les adhérences d’une cicatrice de césarienne. J’étais malade et fatigué. Je lui ai dit que je n’avais pas le temps, car je repartais le lendemain. Puis je suis rentré à mon hôtel qui se trouve en face. Et elle est venue directement taper à la porte de ma chambre en insistant.

« C’est quelqu’un que j’ai vu pendant 5 jours, qui est étudiante et enseignante. Je pars du principe qu’elle est au courant des pratiques et je l’ai donc traitée », a-t-il dit, tout en ajoutant que « clairement, des personnes sont en train, depuis le Canada, de manigancer quelque chose afin de pouvoir racheter le centre à bas prix. Donc ces gens font tout pour me discréditer puisque je suis le directeur et le fondateur du centre ».