(Saint-Jérôme) Une semaine après sa cavale meurtrière et l’alerte AMBER, Ugo Fredette semblait surtout préoccupé par ses meubles neufs, les commentaires « méchants » sur Facebook et la une d’un journal. Il reproche alors à sa conjointe Véronique Barbe, qui aurait été poignardée 17 fois, d’avoir « menacé de [le] tuer » à deux reprises.

Au cinquième jour du procès pour double meurtre au premier degré d’Ugo Fredette, le jury a entendu jeudi une conversation téléphonique d’environ 25 minutes entre l’accusé et ses parents, le 21 septembre 2017. Ugo Fredette était alors hospitalisé dans un hôpital d’Ottawa à la suite de son arrestation en Ontario. D’abord une conversation parfois décousue avec ses parents, il jette le blâme, calmement, sur sa conjointe des dernières années.

« [Véronique] a fait ça devant [l’enfant]. C’est pour ça que ça a mal tourné ! », accuse Ugo Fredette, au bout du fil. « Il était là quand ça c’est produit. Il a tout vu. » Des propos qui font sursauter la mère de l’accusé. « Non ! C’est pas vrai ! Il devait crier en tabarnouche », répond-elle, horrifiée. « Non, non, il pensait que c’était un film », rétorque Ugo Fredette, rassurant.


À son père qui se demande pourquoi il a pris la fuite avec un enfant, Ugo Fredette explique qu’il ne voulait pas le laisser seul à la maison. « Y venait de vivre un traumatisme pis toute, moi j’voulais aller aux chutes Niagara avec lui. J’y avais promis d’aller voir les plus grandes chutes du monde », se défend l’accusé.


Pendant de longues minutes, Ugo Fredette insiste auprès de ses parents pour aller chercher les meubles de son appartement avant que les policiers ne les saisissent. « Ma TV, mon set de chambres. C’est important là », dit-il. « Est-ce que tu as toute ta conscience Ugo ? », s’inquiète sa mère.


Ugo Fredette discute aussi à plusieurs reprises d’argent avec ses parents. Il est furieux que les policiers aient saisi 800 dollars lors de son arrestation en Ontario. Il réclame également deux semaines de salaires non payés par son employeur. Les 50 000 $ réclamés par son avocat reviennent régulièrement.

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Le camion F-250 d’Ugo Fredette


Une semaine après le drame, Ugo Fredette croit toujours pouvoir retrouver sa liberté. C’est pourquoi il s’inquiète de la réaction des résidants de Saint-Eustache. « Si je me promène à Saint-Eustache, pis que quelqu’un qui me saute dessus, ça risque d’arriver », dit-il à sa mère. Il passe ensuite du coq à l’âne pour lui demander d’effacer une « couple d’affaires méchantes » sur Facebook. « Il y en a plein Ugo, c’est toute ça, c’est toi l’tueur là-dedans », répond sa mère.  


L’accusé critique aussi l’alerte AMBER « longue en tabarnak » qui a été déclenchée par les autorités pour retrouver un enfant. « [Il] s’est ramassé sur le Journal de Montréal esti ! Sacrément, il est devenu le gars le plus populaire après Cédrika Provencher », peste Ugo Fredette.


La Couronne tente de prouver qu’Ugo Fredette, incapable d’accepter leur rupture, a tué sa conjointe avec deux couteaux dans leur résidence de Saint-Eustache, le 14 septembre 2017, avant de prendre la fuite avec un enfant. Il aurait ensuite battu à mort Yvon Lacasse à une halte routière de Lachute pour lui voler son véhicule et aurait jeté son corps dans le bois.

« C’est infiniment triste »

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Une photo de l'intérieur du Honda CR-V d'Yvon Lacasse.


En matinée, la fille d’Yvon Lacasse, retrouvé mort dans un boisé des Laurentides, a raconté au jury avoir vécu « l’enfer » en apprenant la disparition de son père de 71 ans. « Le plus difficile, c’est de savoir qu’on lui a fait du mal. C’est infiniment triste. Il était tellement bon, c’est inconcevable que ça lui arrive ! », a-t-elle lancé d’un trait, bouleversée.


La fille d’Yvon Lacasse a fait un récit émouvant de cette journée fatidique. « C’était un vendredi… », lâche Jennifer Lacasse, la voix cassée, incapable de continuer sa phrase. À la barre des témoins, elle prend une respiration, s’essuie les yeux et poursuit son récit. Le 15 septembre au matin, le conjoint de longue date de son père l’a informé que ce dernier n’était pas rentré à la maison. C’est hautement anormal.

« C’est la panique. Je sais qu’il se passe quelque chose… », témoigne Jennifer Lacasse. La fille de la victime remue ciel et terre pour retrouver son père. Elle passe finalement devant la halte routière de Lachute – souvent fréquentée par son père – où un déploiement policier est déployé.  

« J’ai hurlé à mon chum d’arrêter… Ça ne marchait pas. C’était improbable que mon père soit là, c’était impossible », raconte-t-elle. Jennifer Lacasse confie ses inquiétudes à un policier. Sur une vidéo de surveillance à la halte routière, elle identifie le véhicule de son père, un Honda CR-V blanc. Son monde s’écroule.

« C’est l’enfer… C’est la folie dans ma tête, parce que je sais ce qui se passe. Cette journée va changer ma vie à jamais… La fin ne sera assurément pas agréable, ça me crève le cœur, mon père ne ferait pas de mal à une mouche ! », lâche-t-elle.


Jennifer Lacasse lance ensuite un appel sur Facebook pour mener une battue le long d’une route principale à Lachute dans l’espoir de retrouver son père. Plusieurs personnes répondent à l’appel. Les enquêteurs l’informent finalement avoir découvert le corps d’Yvon Lacasse.  

Deux couteaux ensanglantés

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Mercredi, le jury a vu de près deux couteaux de cuisine tachés de sang retrouvés à la résidence d’Ugo Fredette et de sa conjointe à Saint-Eustache.


Mercredi, le jury a vu de près deux couteaux de cuisine tachés de sang retrouvés à la résidence d’Ugo Fredette et de sa conjointe à Saint-Eustache. Le corps de Véronique Barbe a été retrouvé dans la cuisine de la résidence par un policier quelques minutes seulement après qu’un voisin ait appelé au 9-1-1 en voyant une scène de chaos sur le balcon arrière des Fredette-Barbe.


Mardi, des messages textes échangés entre Véronique Barbe et Ugo Fredette la veille de la mort de sa conjointe ont levé le voile sur le climat extrêmement tendu de leur séparation. Ugo Fredette y supplie sa conjointe de rester avec lui. « Arrête parce que tu me fais peur encore. Arrête tout de suite », lui aurait écrit la victime.


Me Steve Baribeau, Me Alexis Marcotte-Bélanger et Me Karine Dalphond représentent le ministère public, alors que Me Louis-Alexandre Martin défend Ugo Fredette. La juge de la Cour supérieure du Québec Myriam Lachance préside le procès devant jury.


Le procès se poursuit vendredi au palais de justice de Saint-Jérôme.