(Saint-Jérôme) Même si Normand Dubé présente un risque «élevé» pour la société, le juge Gilles Garneau hésite toujours à le faire évaluer dans un institut psychiatrique. Le pilote connu pour son attaque spectaculaire sur des lignes à haute tension d’Hydro-Québec sera d’abord évalué par un criminologue pour mieux cerner sa personnalité et son risque de récidive.

Déjà condamné à sept ans de pénitencier dans l’affaire d’Hydro-Québec, Normand Dubé a été reconnu coupable le mois dernier de harcèlement criminel et d’incendies criminels pour avoir intimidé trois fonctionnaires et fait incendier leur résidence personnelle. L’homme de 57 ans s’était vengé pour de banals litiges administratifs, comme la contestation de son impôt foncier.

C’est dans le cadre de ce procès que le procureur de la Couronne Me Steve Baribeau a présenté mardi sa demande de renvoi pour évaluation de Normand Dubé à titre de délinquant à contrôler, une désignation réservée aux criminels violents susceptibles de récidive. Les criminels portant cette étiquette peuvent faire l’objet d’une surveillance étroite pendant 10 ans après leur sortie de prison.

Selon le ministère public, Normand Dubé doit être évalué pour 60 jours à l’Institut Philippe-Pinel, puisqu’il a commis des sévices graves à des citoyens, qu’il y a des motifs raisonnables de croire qu’il pourrait être déclaré délinquant à contrôler et qu’il est à risque de récidiver.

«Écoutez, il a commandé des incendies criminels, parce qu’il n’acceptait pas des décisions. C’est quelqu’un qui se dit victime du système. Ça, c’est hautement préoccupant. On est rendu à utiliser la violence pour faire entendre son point de vue. Et je ne sais pas comment ce type de comportement peut se traiter», a plaidé Me Baribeau.

Le juge Garneau semblait d’abord prêt à autoriser la demande d’évaluation de la Couronne avant de se rallier à une suggestion de dernière minute de l’avocat de la défense Me Maxime Chevalier pour confectionner un rapport présentenciel. Ce type de rapport est souvent produit à l’étape des observations sur la peine, lorsqu’un accusé n’a pas d’antécédent criminel.

Une suggestion à laquelle s’est vivement opposé le procureur de la Couronne, avant de se résoudre à l’accepter. «Ce ne sont pas les mêmes concepts! C’est complètement différent!», a plaidé Me Baribeau. «Je veux avoir un éclairage encore plus approfondi avec le rapport présentenciel. En quoi ça va retarder les choses?», a rétorqué le juge. La cause sera entendue le 12 août.

L’avocat de Normand Dubé a rassuré le juge que son client, détenu depuis trois semaines, allait collaborer à la confection du rapport présentenciel, même s’il fait appel du jugement. Me Chevalier s’oppose au renvoi pour évaluation à titre de délinquant à contrôler notamment en raison de l’intrusion «élevée» dans sa vie privée. De plus, il n’y a pas de risque de récidive chez son client, ajoute-t-il.

«La vengeance est un plat qui se mange froid»

Dans sa vendetta, Normand Dubé s’en est pris à une surintendante de l’Agence des services frontaliers du Canada, au directeur du service d’urbanisme de Sainte-Anne-des-Plaines et à une employée de cette municipalité. Il a commandé à des hommes de main en 2013 et 2014 d’incendier les résidences de ces fonctionnaires après les avoir intimidés. Personne n’a heureusement été blessé.

La Couronne entend réclamer une peine de dix ans de pénitencier contre Normand Dubé, a déjà fait savoir Me Steve Baribeau. Cette peine pourrait s’ajouter à celle déjà imposée pour son attaque des lignes à haute tension d’Hydro-Québec en avion en 2014. Son sabotage a causé près de 30 millions de dollars de dommages à la société d’État et a failli provoquer une «panne totale» d’électricité au Québec.

La technique qu’il a utilisée pour attaquer les lignes électriques fait l’objet d’une ordonnance de non-publication pour des motifs de sécurité nationale, une mesure exceptionnelle.

Notons qu’il a également interjeté appel dans cette affaire.