(Toronto) L’isolement de prisonniers, déclaré inconstitutionnel il y a 18 mois, restera légal pour le moment, après que la plus haute cour du Canada eut accepté la demande du gouvernement fédéral de laisser la loi en vigueur pour le moment.

Le sursis de la Cour suprême, dans l’attente d’une audience complète sur la question, annule une ordonnance d’un tribunal inférieur qui aurait rendu illégal l’isolement préventif à compter de lundi.

La suspension donne encore au gouvernement libéral plus de temps pour mettre en place un nouveau régime visant à résoudre les problèmes qui ont amené plusieurs tribunaux à déclarer que le système actuel violait la Constitution.

« Il est décevant que le procureur général fasse tout ce qui est en son pouvoir pour perpétuer une pratique déclarée cruelle et inhabituelle », a déploré Me Michael Rosenberg, de l’Association canadienne des libertés civiles.

Dans sa demande d’annulation de la date limite fixée par la Cour d’appel de l’Ontario en avril, le gouvernement fédéral a signalé que l’interdiction de l’isolement cellulaire sans solution de rechange pratique créerait une situation dangereuse dans les prisons.

La juge de la Cour suprême, Suzanne Côté, a reconnu que le gouvernement disposait d’arguments préliminaires solides. Elle a accepté vendredi la demande de sursis jusqu’à ce que la situation juridique puisse être débattue « de façon accélérée ».

L’isolement préventif est autorisé par la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Selon l’article 31, cette pratique « a pour but d’assurer la sécurité d’une personne ou du pénitencier en empêchant un détenu d’entretenir des rapports avec d’autres détenus ».

Tant la Cour suprême de la Colombie-Britannique que la Cour supérieure de l’Ontario ont rendu des décisions dans lesquelles elles qualifiaient l’isolement cellulaire d’inhumain. Dans le cas de l’Ontario, le tribunal a statué que l’isolement serait inconstitutionnel s’il dépasse cinq jours. Ces deux jugements font l’objet d’un appel.

Selon des experts, l’isolement préventif peut avoir des conséquences sur la santé mentale.

En décembre 2017, le juge Frank Marrocco, de la Cour supérieure de l’Ontario, avait invalidé des parties de la loi en raison de l’absence de contrôle indépendant du placement des détenus en isolement cellulaire. Ottawa n’avait pas interjeté appel de cette décision.

Le juge Marrocco avait également donné un an à Ottawa pour régler le problème, mais le gouvernement a par deux fois persuadé une cour d’appel de l’Ontario réticente de lui laisser encore plus de temps pour remédier à la situation grâce au projet de loi C-83, actuellement à l’étude au Parlement.

Le gouvernement a toujours maintenu que ce projet de loi réglera les problèmes identifiés par les tribunaux en créant des « unités d’intervention structurées » qui permettraient entre autres de donner aux détenus un contact plus constructif avec d’autres personnes.

Le Sénat a adopté la semaine dernière des amendements au projet de loi. Depuis, gouvernement a indiqué aux sénateurs qu’elle avait accepté certains de ces amendements, en avait rejeté certains autres, et en avait modifié les derniers. La Chambre des communes devra ensuite se prononcer sur la nouvelle version du projet de loi. Ensuite, ce sera au tour du Sénat de le faire, a indiqué une porte-parole du sénateur indépendant Pierre Dalphond, dimanche.

Scott Bardsley, un porte-parole du ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, conteste les critiques exprimés par des opposants qui disent que le projet de loi préservait l’isolement cellulaire sous un autre nom.

« Le projet de loi C-83 autorise la séparation des détenus lorsque cela est nécessaire pour des raisons de sécurité, tout en offrant des programmes, des interventions, des soins de santé mentale et des contacts humains significatifs au quotidien, tous éléments qui pourraient faire l’objet d’un examen externe contraignant », a dit M. Bardsley.