Deux issues semblaient se dessiner pour Ebamba Ndutu Lufiau : ou bien il était reconnu coupable du meurtre au premier degré d’un client innocent du bar Hillside commis à Montréal le 2 juin 2016, ou bien il était acquitté.

Mais le juge Daniel Royer de la Cour supérieure a surpris bien du monde ce matin en acquittant l’homme de 30 ans sur le chef de meurtre au premier degré et en le déclarant du même souffle coupable d’homicide involontaire.

La preuve a été faite que Lufiau conduisait le véhicule qui a transporté son complice, Jeff Joubens Theus, le 2 juin 2016. En plein après-midi, Theus est entré dans le café de la rue Fleury et a ouvert le feu sur un client assis tranquillement à feuilleter un journal, Angelo D’Onofrio, qu’il a confondu avec un membre de la mafia montréalaise, Antonio Vanelli.

Par la suite, Theus est remonté à bord de la voiture de Lufiau et a pris la fuite. Dans les heures suivantes, les policiers ont retrouvé un tas de vêtements et une plaque d’immatriculation à demi incendiés. Sur une cagoule, ils ont retrouvé l’ADN de Lufiau.

Les enquêteurs des Crimes majeurs du SPVM ont ensuite déclenché une enquête baptisée Mazout au cours de laquelle ils ont écouté Lufiau, Theus et d’autres individus, et les ont arrêtés en 2017.

Un doute raisonnable

Dans son jugement de 22 pages, le juge Royer démolit le témoignage de Lufiau qu’il qualifie notamment de « vague, imprécis, confus et peu crédible ».

En revanche, il conclut que la preuve ne démontre pas que Lufiau savait que son complice allait commettre un meurtre ce jour-là.

« L’ensemble des conversations et messages texte enregistrés impliquant M. Lufiau ne révèle aucune information sur son état d’esprit avant le meurtre. Il n’y a aucune preuve que M. Lufiau savait que M. Vanelli était la personne visée ni qu’il faisait partie du crime organisé. Le repérage qu’il a effectué près de deux heures avant les événements ne révèle rien sur la nature du crime que M. Theus envisageait de faire. [...] il n’y a aucune preuve que M. Lufiau savait que M. Theus était en possession d’une arme à feu chargée », écrit le juge Royer.

« Malgré qu’il faille conclure que M. Lufiau a nécessairement entendu les coups de feu, […] sa conduite subséquente du véhicule de fuite équivaut à une complicité après le fait du meurtre et non pas à une complicité dans l’accomplissement d’un meurtre, dans la mesure où il y a un doute sur sa mens rea précédant les coups de feu », ajoute le magistrat.  

« Je suis un peu déçu. Les preuves étaient accablantes contre lui. Il [Lufiau] savait à 100 % ce qui allait se passer. Cette décision est amère. J’ai peur qu’il s’en tire avec une sentence trop courte », a déclaré à La Presse Joe D’Onofrio, frère de la victime.

« Le juge a trouvé que la culpabilité morale de M. Lufiau était bien moindre que celle du meurtre au premier degré, que mon client ne savait pas qu’un meurtre aurait lieu et c’est pourquoi il a été acquitté. C’est une excellente décision », s’est pour sa part félicité l’avocat de Lufiau, Me Steve Hanafi.

De son côté, la poursuite n’a pas exclu d’en appeler de la décision.

« On prend acte du jugement. On va l’analyser pour voir si c’est opportun de le faire », a simplement réagi le procureur Me Éric de Champlain, qui a fait équipe avec Me Katerine Brabant.

Les représentations sur la peine d’Ebamba Ndutu Lufiau auront lieu dans deux semaines.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le (514) 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.