(Montréal) La jeune Daphné Huard-Boudreault n’a malheureusement pas attendu la policière avant de rentrer chez son ex-conjoint qui l’a tuée en mars 2017 à Mont-Saint-Hilaire, confirme le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) dans un communiqué. Il rapporte aussi que la policière avait insisté pour l’accompagner ce jour-là.

Le DPCP avait déjà fait savoir en mars dernier qu’aucune accusation criminelle n’allait être déposée contre les policiers dans cette affaire.

Mais dans un communiqué transmis mardi, il a révélé beaucoup d’informations qu’il n’avait pas encore divulguées.

Entre les dates des deux communiqués, Anthony Pratte-Lops a plaidé coupable à un chef de meurtre au deuxième degré, alors qu’il avait été accusé à l’origine de meurtre prémédité. Il a enregistré ce plaidoyer à quelques jours du début prévu de son procès et un juge l’a condamné à passer 18 ans en prison avant de pouvoir demander une libération conditionnelle.

Après la mort de la jeune femme de 18 ans, le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) s’était penché sur le travail des policiers. Les enquêteurs devaient notamment évaluer si les policiers avaient agi adéquatement lors de leur intervention.

Après avoir reçu le rapport du BEI, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) avait conclu que « l’analyse de la preuve ne révèle pas la commission d’une infraction criminelle » par les policiers de la Régie intermunicipale de police de Richelieu-Saint-Laurent.

À ce moment, le DPCP avait écrit dans son laconique communiqué qu’il ne souhaitait pas commenter davantage « afin de ne pas nuire à l’équité et à l’intégrité du processus judiciaire ».

Mardi, il a livré plus de détails sur ce qui s’était passé, et expliquant les motifs au soutien de sa décision.

Une visite au poste de police

Après une première intervention policière en matinée sur son lieu de travail, où son ex-conjoint l’avait suivie, Daphné Huard-Boudreault s’était ensuite rendue peu avant vers midi au poste de police, indiquant qu’elle voulait fermer son compte Facebook, car son ex-conjoint lui avait volé son téléphone, changé ses mots de passe et y diffusait des messages à son sujet.

La policière a déclaré au BEI que la jeune femme ne voulait pas porter plainte, qu’en aucun moment son ex-conjoint n’avait été violent, mais qu’elle voulait qu’il la laisse tranquille. Elle voulait aussi récupérer ses effets personnels.

Cela faisait alors quelques jours qu’elle avait quitté la résidence familiale.

La policière lui dit qu’elle peut aussi porter plainte plus tard et que la police l’accompagnera pour récupérer ses effets personnels.

La jeune femme prétend « que les policiers iront pour rien s’il n’est pas présent » : une connaissance lui ayant confirmé qu’Anthony Pratte-Lops serait absent à ce moment, est-il rapporté dans le communiqué du DPCP.

« La policière insiste : ils iront avec elle », est-il aussi écrit.

La jeune femme fournit l’adresse et décrit son véhicule à la demande de la policière qui lui donne rendez-vous là-bas.

L’arrivée sur les lieux

Or, les choses ne semblent pas tourner comme prévu. La jeune femme quitte le poste de police en premier par la porte de devant, et la policière quitte par la porte d’en arrière.

Daphné arrive sur les lieux la première. Lorsque la policière arrive à son tour peu après, elle voit le véhicule de la jeune femme, mais pas cette dernière.

Voyant des traces de pas menant à l’arrière de la maison, elle s’y rend, mais ne décèle rien par la porte-patio. Selon son résumé de la situation, elle constate ensuite qu’il y a une entrée indépendante au sous-sol qui ne porte pas d’adresse civique distincte. Elle frappe et n’obtient aucune réponse. Elle communique sur les ondes radio de la police pour avoir une adresse valide et retourne à la même porte.

Lorsqu’elle tente de l’ouvrir, elle voit une ombre au bas de la fenêtre. La porte s’ouvre alors et l’ex-conjoint dit « Arrête-moi », en laissant voir ses mains ensanglantées.

L’homme est alors mis en état d’arrestation pour tentative de meurtre.

Daphné est retrouvée avec de graves blessures causées par une arme blanche. Elle décède peu après.

Aucune négligence criminelle

Le DPCP estime que les policiers n’ont pas été négligents lors de la première intervention au lieu de travail : ils se sont assurés que la jeune femme soit en sécurité et que l’homme quitte les lieux.

Pas de négligence criminelle non plus lors de la seconde intervention, qui a débuté au poste de police.

« Il ne peut être conclu que la policière a omis de se conformer à une obligation légale. Au contraire, elle a insisté pour que la femme soit accompagnée par la police afin de récupérer ses effets personnels. Ainsi, dans les circonstances révélées par la preuve, il ne pourrait être démontré que les policiers impliqués ont omis de respecter leur obligation légale qui consistait essentiellement à assurer la sécurité de la jeune femme qui a fait appel à eux », écrit le DPCP.

Bref, la preuve ne révèle pas la commission d’un acte criminel par les policiers de la Régie impliqués dans cet événement, conclut-il.