La mort tragique de Mary-Linda Arnoux dans un accident de rafting jeudi a soulevé bien des questions. Pour les amoureux des rivières, il s’agit d’une activité sûre, ce que confirme le faible nombre de morts. Les amies de Mme Arnoux ne s’expliquent pas, de leur côté, comment leur copine qui avait la phobie de l’eau a pu participer à une telle expédition.

« C’était un rayon de soleil, une fille qui n’avait pas eu une vie facile, qui faisait tout pour se reconstruire », confie Anne Beaumier en parlant de son amie Mary-Linda Arnoux.

Âgée de presque 30 ans – elle était née en juin –, elle participait à une activité de rafting dans un cadre psychosocial jeudi dernier, en Mauricie. L’embarcation pneumatique a chaviré et ses occupants sont tombés par-dessus bord. Mary-Linda a été retrouvée inconsciente, en arrêt cardiorespiratoire. Elle n’a pas pu être sauvée, malgré les manœuvres de réanimation.

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE MARY-LINDA ARNOUX

Mary-Linda Arnoux avait peur de l'eau, ont affirmé des amies.

Selon les premières informations de la Sûreté du Québec, elle portait l’équipement approprié et aurait reçu la formation nécessaire.

Le rafting est souvent assimilé à un sport extrême, mais il se situe loin derrière le bateau à moteur, le canot et le kayak pour le nombre de morts liées à l’eau entre 2006 et 2015, selon les données fournies par le Bureau du coroner du Québec à la Société de sauvetage.

« Il y aura toujours un risque, explique le directeur de la Société de sauvetage Raynald Hawkins. Ce n’est pas parce que je suis le Code de la route et que je porte une ceinture que je n’aurai pas d’accident mortel. »

On ne connaît pas les circonstances de l’accident. L’eau affichait quelques degrés jeudi.

« Une chute involontaire dans l’eau, lorsqu’on tombe dans une eau très froide, peut causer un choc thermique hyper important. » — Raynald Hawkins

La jeune femme aurait porté une combinaison isothermique.

La panique peut de son côté mener à l’hyperventilation. Quinze secondes : il n’en faut pas plus pour perdre conscience, selon M. Hawkins. Même avec un gilet de sauvetage, si le visage est contre l’eau, les risques de mort sont alors élevés.

Peur de l’eau

Des amies de Mary-Linda ont affirmé que la jeune femme avait peur de l’eau. « Elle ne savait pas nager, confie Josianne Lapointe, une amie du secondaire. Quand on était plus jeunes, j’habitais proche d’un lac et elle n’osait pas s’aventurer trop loin. »

Julie Chouinard, une bonne copine des 12 dernières années, y voyait carrément une phobie. « On est allées à Niagara Falls en 2011, raconte-t-elle. On était sur le quai, on voulait prendre une photo et elle ne voulait pas venir, elle avait dit qu’elle avait peur de l’eau. »

La jeune femme, qui comptait commencer le cégep pour devenir intervenante sociale, a glissé à son amie à Pâques qu’elle comptait participer à une expédition de rafting. « Elle n’en avait pas parlé plus que ça, ajoute Mme Chouinard. Si on avait su, on le lui aurait déconseillé. »

Mme Chouinard en veut aux organisateurs d’avoir laissé son amie – en mauvaise forme physique et ne sachant pas nager, a-t-elle souligné – participer à l’expédition, tout en admettant qu’elle était « une tête de mule ».

Mme Arnoux participait à une activité offerte par Répit Jeunesse, à Victoriaville, où elle habitait. Dans le cadre d’un programme d’intervention psychosociale, l’organisme a fait appel à Face aux vents, spécialisé dans la thérapie de plein air et d’aventure.

« Ce sont les jeunes qui choisissent l’activité », explique Nicholas Bergeron, président de Face aux vents.

« On va ensuite “faire parler l’activité”, précise-t-il. C’est une situation d’apprentissage ou de croissance personnelle. »

Un intervenant de Face aux vents se trouvait sur le canot pneumatique avec les quatre participants. Deux guides, une deuxième embarcation et un kayakiste les accompagnaient aussi. Des ressources spécialisées en choc post-traumatique ont été déployées pour eux.

Les responsables du Centre d’aventure Mattawin, qui assurait l’activité, n’ont pas rappelé La Presse.

« C’est très difficile »

L’enquête se poursuit pour déterminer les circonstances de la mort de Mary-Linda Arnoux. Ses amis comptent organiser une marche à sa mémoire la semaine prochaine à Victoriaville et une autre dans le quartier gai en juin. « C’est très difficile pour nous », témoigne Julie Chouinard.

« J’entends son rire dans ma tête, je vois la lumière qui pétille dans ses yeux », confie Anne Beaumier, la voix brisée. Elle espère que cette jeune femme au passé difficile aura laissé en héritage son courage et sa détermination.

Une autopsie sera pratiquée sur la dépouille de Mary-Linda Arnoux pour connaître les causes exactes de sa mort.

Du rafting au printemps

Avec le niveau de l’eau élevé des rivières au printemps, les amateurs de rafting y voient un moment particulièrement propice aux descentes. « C’est des super vagues », a commenté Nicolas Achim, propriétaire de Propulsion rafting, à Grenville-sur-la-Rouge. La saison sur la rivière Rouge, où le défi est plus sportif à ce moment de l’année, commençait hier. Le printemps « a ses avantages », note Raynald Hawkins, directeur de la Société de sauvetage. « Il y a beaucoup de volume, les vagues vont par-dessus les roches, donc il y a moins de risques de collision, illustre-t-il. Mais la crue apporte aussi une érosion, il peut y avoir des troncs d’arbres qui sont rendus dans l’eau, ça peut créer un embâcle, il peut y avoir des courants qui n’étaient pas là la semaine dernière. » Les crues importantes en Outaouais ont d’ailleurs forcé Rafting Momentum, à Bryson, à retarder le début de sa saison. Le directeur général de l’entreprise, Philippe Ouellette, se rendait hier matin sur la rivière avec une équipe pour faire de la reconnaissance, comme tous les printemps. « [À cause des] inondations, l’eau ramasse des débris et ça va sur la rivière », explique-t-il, ajoutant que les repères et la direction peuvent avoir changé.