Un importateur montréalais d’huile d’olive a plaidé coupable, hier, d’avoir vendu un produit étiqueté comme étant extra-vierge alors qu’il contenait une autre substance. Commercialisées sous la marque Aurum, un millier de bouteilles d’huile d’olive de 1 litre saisies par les autorités fédérales seront détruites aux frais de l’entreprise fautive, Aliments Gaudium.

À la suite d’une suggestion commune de la Couronne fédérale et de la défense, l’entreprise, dont l’actionnaire majoritaire se trouve en Italie, devra aussi payer une amende de 4000 $.

Les poursuites en matière de fraude alimentaire sont extrêmement rares, même si l’enjeu préoccupe de plus en plus l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA). Au cours des cinq dernières années, au Québec, seulement six causes ont été portées devant les tribunaux en vertu de la Loi sur les aliments et les drogues du Canada. Il s’agit de la troisième entreprise québécoise poursuivie par le gouvernement fédéral pour avoir adultéré une huile d’olive, un produit particulièrement vulnérable à la fraude, car les consommateurs s’en rendent rarement compte.

PHOTO TIRÉE DU SITE DE L’ENTREPRISE

Huile d’olive Aurum

C’est une dénonciation confidentielle qui a mené l’ACIA à saisir des échantillons de l’huile d’olive, a expliqué hier la procureure fédérale responsable du dossier, Me Josée Pratte, lors d’une audience au palais de justice de Montréal.

Une série de tests en laboratoire a ensuite confirmé que l’huile n’était effectivement pas « conforme ». « Les chimistes de l’ACIA sont accrédités par le Conseil oléicole international. Les tests ont été menés dans les règles de l’art », a expliqué Me Pratte.

Impossible, cependant, de savoir quelle substance étrangère a été utilisée, ni dans quelle proportion, car l’affaire n’ira pas en procès.

Selon l’acte de dénonciation, le ou vers le 6 février 2017, l’entreprise Aliments Gaudium a vendu cette huile de manière « fausse, trompeuse ou mensongère ou susceptible de créer une fausse impression quant à sa nature, sa valeur, sa composition ou ses avantages ».

Dans ce type de fraude, l’huile d’olive est souvent coupée avec une huile végétale de moindre coût comme l’huile de palme, qui n’a pas les mêmes bienfaits sur la santé que l’huile d’olive, un gras insaturé.

Présence d’une huile de moindre qualité ?

L’avocat qui représente l’entreprise, Me Gian Michele Cerundolo, a indiqué à La Presse qu’aucune autre sorte d’huile ne se trouvait dans les échantillons testés par l’ACIA.

Il affirme que le rapport d’inspection de l’ACIA (auquel nous n’avons pas eu accès) indiquait que les échantillons contenaient bel et bien de l’huile d’olive, mais que la présence d’une huile d’olive de moindre qualité (« lower grade ») avait été détectée. « Ce n’est pas notre version, c’est la conclusion des tests de l’ACIA », a-t-il cependant précisé.

Me Cerundolo n’a pas été en mesure de nous indiquer s’il s’agissait, par exemple, d’une huile de grignons d’olive.

Cette substance est issue des résidus pâteux de l’olive pressée – incluant les noyaux, les feuilles et les tiges – qui ont été traités avec des solvants chimiques. Un coupage d’une huile de grignons d’olives raffinée et d’une huile d’olive vierge ne peut, « en aucun cas, être dénommé huile d’olive », affirme le Conseil oléicole international, dont les normes sont suivies par le Canada.

Une huile d’olive dite extra-vierge peut seulement être composée du fruit de l’olivier et obtenue à la suite d’un procédé mécanique ou physique.

« Nous, on ne l’a pas fait analyser. On n’a pas fait de contre-expertise. »

— Me Gian Michele Cerundolo, avocat de l’entreprise

« On n’a pas contesté le test de l’ACIA, malgré qu’il ait été fait sur une petite quantité, donc je ne sais pas ce que ça peut être. On n’a aucune idée », a précisé l’avocat du distributeur au sujet de la composition de l’huile d’olive Aurum.

L’actionnaire majoritaire d’Aliments Gaudium, Mario Parlato, n’a pas répondu à notre courriel.

Les 991 bouteilles d’huile d’olive Aurum saisies par l’ACIA dans le cadre de ce litige font l’objet d’une ordonnance de destruction. Elles seront éliminées sous la supervision de l’ACIA en respectant les normes environnementales, a précisé Me Pratte.

Un phénomène bien connu

Avec le poisson et le miel, l’huile d’olive trône au sommet des aliments qui font le plus l’objet de fraude alimentaire dans le monde.

Même si le problème est difficile à quantifier au Canada, l’ACIA ouvre chaque année des enquêtes sur le sujet. Ces « inspections dirigées » sont menées lorsque les inspecteurs du gouvernement fédéral soupçonnent un problème d’authenticité. Depuis 2013, leurs soupçons se sont avérés dans 10 à 41 % des cas. En 2016-2017, par exemple, des 22 échantillons étudiés par l’ACIA, neuf contenaient une autre huile que celle annoncée sur l’étiquette.

— Avec Isabelle Ducas, La Presse

D’autres poursuites pour fraude alimentaire au Québec

De faux brocolis canadiens

L’entreprise Vegkiss a été formellement accusée, le 26 mars dernier, de plusieurs infractions, dont celle d’avoir emballé un produit pourvu d’une étiquette contenant une « fausse déclaration ». Selon le média spécialisé en agriculture La Terre de chez nous, l’entreprise de Lanaudière aurait étiqueté des brocolis américains avec la mention « produit du Canada ». L’affaire reviendra en cour le 21 mai.

Fausse huile d’olive pure à 100 %

En novembre 2017, l’entreprise lavalloise Simon & Nolan a payé une amende de 20 000 $ après avoir plaidé coupable à quatre chefs d’accusation pour avoir contrevenu à la Loi sur les aliments et drogues du Canada. Des tests de l’ACIA ont révélé que l’entreprise avait notamment vendu de la fausse huile d’olive pure à 100 %, commercialisée sous le nom Villa Toscanella. Les produits ont été confisqués et détruits. Ce dossier a aussi été piloté par Me Josée Pratte.

De l’huile d’olive coupée

L’entreprise Tucom inc., de Mirabel, a plaidé coupable d’avoir vendu de l’huile d’olive extra-vierge de manière trompeuse en juillet 2015, au palais de justice de Saint-Jérôme. Elle a payé une amende de 12 000 $. En 2012, cette même entreprise a plaidé coupable d’avoir étiqueté un aliment comme étant de l’huile d’olive extra-vierge alors qu’une autre huile végétale s’y trouvait. Elle a payé 6000 $ d’amende pour ce délit.

Fausses dates de péremption

L’ancien président du Groupe CNP inc., Denis Plourde, a été déclaré coupable de cinq chefs d’accusation en lien avec la Loi et le Règlement sur l’inspection des viandes. La cause a été entendue au palais de justice de Rivière-du-Loup en février 2015. « L’enquête de l’ACIA a permis de déterminer que M. Plourde a ordonné, autorisé, approuvé ou effectué l’altération de données informatiques relatives à la traçabilité de produits, et utilisé sur des étiquettes des renseignements faux ou trompeurs concernant la date de production des produits », précise un communiqué de l’ACIA.

Mollusques illégaux

En 2014, l’entreprise de Pointe-Claire Tassy’s Fish and Seafood a plaidé coupable à trois chefs d’accusation, dont un en contravention avec la Loi sur les aliments et les drogues, pour avoir apposé des étiquettes trompeuses sur des caisses de mollusques. Elles affichaient un numéro d’établissement agréé alors que les produits n’y avaient jamais transité. L’enquête a aussi démontré que l’entreprise avait exporté illégalement des fruits de mer vers les États-Unis et l’Ontario.