Une juge a accepté le rapport d'un détective privé embauché par une mère pour espionner son ex-conjoint dans une affaire de garde d'enfant, ce qui pourrait bien constituer une première au Québec.

La mère, qui s'opposait avec insistance à la garde partagée, disait s'inquiéter pour la sécurité de son fils de 4 ans. Elle a fait affaire avec la firme Rapide Investigation, de Saint-Hubert, pour faire suivre le père de son fils pendant six journées où il avait l'enfant sous sa garde.

L'enquêteur a observé le père chez lui, mais à partir de la rue ou du trottoir.

La juge Karen M. Rogers de la Cour supérieure a décidé que, comme le tribunal devait être guidé par l'intérêt supérieur de l'enfant, il n'était « pas inacceptable qu'il autorise la mère à se servir du rapport de filature ». Le père s'opposait à la production du rapport en plaidant qu'il s'agissait d'une atteinte à sa vie privée.

Joint par La Presse, l'avocat de la mère a affirmé que ses recherches ne lui avaient pas permis de trouver un autre cas semblable. Dans toute la jurisprudence, « il n'était pas question, comme en l'espèce, d'une préoccupation sérieuse d'un parent concernant la sécurité de son enfant lorsque cet enfant est avec l'autre parent », a écrit l'avocat David Summerside.

Alain Roy, professeur à l'Université de Montréal et sommité du droit de la famille au Québec, a indiqué qu'il n'avait « jamais vu ça ». Même son de cloche du côté de Sylvie Schirm, avocate dans le domaine depuis 30 ans.

PÉTARD MOUILLÉ

Si la mère de famille pensait avoir trouvé l'arme fatale avec son rapport de filature, elle se trompait.

Sur une période de six jours, le détective privé a noté un moment où il voyait l'enfant près de la maison du père, sans toutefois voir le père. Il a aussi été témoin d'une occasion où l'enfant a pris place dans le véhicule du père sans siège d'enfant.

Rien de suffisant pour priver le père de la garde partagée, surtout dans la mesure où l'enquêteur privé pourrait avoir mal vu, a souligné la justice.

La juge a maintenu la garde partagée, jugeant que le père comme la mère avaient « de bonnes capacités parentales ». 

« Les deux parties aiment leur fils », a-t-elle ajouté.

La mère n'en était pas à sa première tentative pour éloigner l'enfant du père. La décision de la juge Rogers, rendue le 10 décembre dernier, souligne qu'elle a enregistré des proches pour « monter un dossier », qu'elle a déposé des plaintes à la police (qui ont été rejetées) et qu'elle a discuté avec la garderie de son fils de moyens d'empêcher son ex-conjoint de le prendre en charge.

L'avocate du père, Diane Poirier, n'a pas voulu commenter le jugement.