Une inhalothérapeute de la couronne nord de Montréal a été radiée pour six mois par son ordre professionnel après avoir consulté le dossier médical de patients en fin de vie dans le but d'acheter leur maison à bas prix.

Dans sa décision rendue en mars 2017, mais dont la sentence est tombée le 11 janvier dernier, le Conseil de discipline de l'Ordre professionnel des inhalothérapeutes du Québec conclut que Louise Milmore s'est rendue coupable d'avoir brisé le « secret professionnel en consultant sans motif professionnel les dossiers d'une vingtaine d'usagers en soins à domicile et palliatifs du CLSC » et de s'être « placée en conflit d'intérêts en transmettant une offre d'achat sur un immeuble d'un client des soins à domicile [...] en consultant à cette fin deux dossiers d'usagers ».

Les faits reprochés se sont produits au cours de l'hiver 2015. Selon le jugement, « tout le monde savait », au CLSC Jean-Olivier-Chénier, à Saint-Eustache, que Mme Milmore était à la recherche d'une maison près de son lieu de travail. Le document rapporte que le 2 février, elle a accédé à 19 dossiers médicaux de patients suivis à domicile par une infirmière du CLSC. Elle en consulterait au total 25 au cours du mois de février, dont 16 de clients demeurant près de l'établissement. Pour le Conseil de discipline, « en prendre connaissance [à des] fins personnelles est l'équivalent d'en dévoiler le contenu à un tiers ».

UN PATIENT « VULNÉRABLE »

L'inhalothérapeute s'intéresse particulièrement à deux dossiers, qu'elle a consultés pendant 40 et 50 minutes. Elle a questionné un de ses collègues sur l'un des patients concernés « et sur la maison de ce dernier ». Elle fait également une « recherche poussée » sur l'autre dossier, celui de monsieur B.N. (le nom des patients n'a pas été divulgué), « afin de connaître son diagnostic ».

« Le client est de toute évidence une personne vulnérable [atteinte] d'un cancer invasif » et reçoit des soins palliatifs, détaille le rapport du Conseil de discipline. « Le client vivait seul et n'avait pas de famille. »

Le 16 février, Mme Milmore dépose dans la boîte postale de monsieur B.N. une note l'informant qu'elle envisage d'acheter sa maison, sans toutefois mentionner qu'elle travaille au CLSC qui lui prodigue des soins.

À la suite d'un appel de l'homme, elle le rencontre à deux reprises et lui remet une offre d'achat le 9 mars. Elle lui propose alors d'acheter 120 000 $ la propriété dont l'évaluation municipale s'élève à 161 000 $. « Le client est très offusqué de son offre et lui demande de quitter les lieux », raconte le jugement.

L'infirmière responsable de son dossier rapportera plus tard l'incident au coordonnateur du soutien à domicile, car monsieur B.N. est « perturbé émotionnellement » et « fait une crise psychosociale ». « En panique », il croyait avoir vendu sa maison par erreur alors que Mme Milmore lui avait plutôt fait signer la déclaration du vendeur. Monsieur B.N. est mort peu de temps après les événements.

CONGÉDIEMENT

Après une suspension et une enquête, Louise Milmore a été congédiée le 27 mars 2015. Une plainte a été déposée à l'Ordre des inhalothérapeutes près d'un an plus tard. Mme Milmore a entre-temps fourni sa version des faits dans une lettre adressée au syndic de l'Ordre en juillet 2015, mais ne s'est pas présentée aux audiences du Conseil de discipline et n'a pas assuré de défense.

Le Conseil retient notamment qu'elle n'a pas exprimé de remords par rapport à ses gestes. 

« La lecture de ses explications démontre que l'intimée ne semble pas comprendre en quoi sa conduite était contraire à son code de déontologie », peut-on lire dans la décision.

« Même si [...] l'intimée n'était pas de mauvaise foi et que son intention n'était pas d'abuser du client, sa conduite était reprochable pour plusieurs raisons », peut-on lire dans la décision. 

Louise Milmore n'est plus membre de l'Ordre des inhalothérapeutes depuis avril 2017.

Dans sa décision sur sanction rendue il y a deux semaines, le Conseil de discipline lui impose deux périodes de radiation de trois et six mois, qui seront purgées de façon concurrente si elle réintègre l'Ordre. Elle devra également payer une amende de 1000 $.