Alors que plusieurs semblent croire que Sivaloganathan Thanabalasingham s'était définitivement mis à l'abri d'un procès pour le meurtre de sa femme en retournant au Sri Lanka, les avocats au dossier d'appel n'écartent pas la possibilité qu'il soit contraint de revenir au pays pour faire face à la justice. Et la Couronne évoque même l'aide d'Interpol.

L'extradition demeure une possibilité, même si aucun traité n'existe actuellement entre le Canada et le Sri Lanka, ont-ils fait valoir à la Cour d'appel du Québec.

Sivaloganathan Thanabalasingham est cet homme qui a évité son procès pour meurtre en plaidant l'arrêt Jordan de la Cour suprême du Canada. Il a fait valoir avec succès que trop de temps s'était écoulé entre son arrestation en août 2012 et la date prévue pour son procès.

L'arrêt des procédures criminelles contre lui a été ordonné par jugement le 6 avril dernier. Il a depuis été renvoyé vers son pays d'origine, le Sri Lanka, en juillet. Un ordre de déportation avait été donné contre lui pour cause de «grande criminalité» pour des affaires criminelles antérieures.

Le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) en a appelé du jugement décrétant l'arrêt des procédures.

Toutefois, si la Cour d'appel ordonne un procès pour Thanabalasingham, comme le demande le DPCP, l'homme n'est plus au Canada. Et il ne va vraisemblablement pas y revenir volontairement pour subir son procès et risquer la prison.

Le DPCP avait interpellé Ottawa pour éviter que Sivaloganathan Thanabalasingham ne retourne chez lui. En vain.

Devant cette situation, la Cour d'appel a demandé aux procureurs qui plaidaient l'affaire devant elle cet automne si un jugement serait utile.

«Est-ce que l'appel du ministère public qui demande un »nouveau» procès est devenu théorique («moot»)?», écrit le greffier des appels, Bertrand Gervais, au nom de la Cour.

Selon le procureur du DPCP, la réponse est non.

«Bien que les juges notent à juste titre que, actuellement (souligné dans la lettre) aucun accord portant sur l'extradition n'est en vigueur entre le Canada et le Sri Lanka, rien n'indique que les deux pays ne puissent devenir des partenaires d'extradition dans le futur», écrit Me Christian Jarry.

Et même si ce n'est pas le cas, le ministère des Affaires étrangères pourrait conclure un accord spécifique visant à donner effet à une demande d'extradition spécifique, ne visant que Thanabalasingham.

De plus, si un procès est ordonné, il deviendrait une personne recherchée et ce statut pourrait être inscrit dans les banques de données d'Interpol (l'Organisation internationale de police criminelle). Bref, s'il quittait le Sri Lanka pour se rendre dans un pays ayant un traité d'extradition avec le Canada, la procédure pourrait être possible.

Me Jarry demande donc à la Cour de trancher.

«Les moyens d'appel sont sérieux et concernent des questions d'importance cruciale à une époque où tout ce qui concerne l'arrêt Jordan est scruté de près et a des conséquences sur l'administration de la justice en général», fait-il valoir.

L'avocate de Thanabalasingham, Me Marie-Hélène Giroux, est d'accord, pour les mêmes trois motifs. Puisqu'elle est d'avis que «l'appel n'est pas purement théorique», elle demande à la Cour d'appel de rendre un jugement sur le fond.

L'homme a été le premier accusé de meurtre au Québec à obtenir un arrêt des procédures criminelles intentées contre lui en se prévalant de l'arrêt Jordan de la Cour suprême, qui établit que la durée des procédures judiciaires ne doit pas excéder 30 mois en Cour supérieure. Dans son cas, il s'est écoulé 56 mois entre son arrestation et la date prévue du procès. Il a passé tout ce temps en détention préventive.