Après avoir poignardé Clémence Beaulieu-Patry dans un excès de colère au Maxi, Randy Tshilumba s'est-il inconsciemment formé l'«idée délirante» qu'elle voulait le tuer pour se protéger? Cette hypothèse au coeur de la responsabilité criminelle de l'accusé a été lancée jeudi par la procureure de la Couronne Catherine Perreault pendant le contre-interrogatoire du psychiatre-expert de la défense.

Le Dr Louis Morissette a soutenu jeudi que la maladie mentale de Randy Tshilumba était un «cas typique» de la forme persécutoire d'un trouble délirant qui est «relativement facile» à diagnostiquer pour une expertise en responsabilité criminelle. Selon le psychiatre, l'homme de 21 ans croit avoir agi en «légitime défense» en poignardant une dizaine de fois la victime le 10 avril 2016, puisqu'il était convaincu, à tort, qu'elle s'apprêtait à le tuer avec une arme à feu. Depuis des mois, il se pensait menacé par cinq jeunes femmes, dont la victime.

La Couronne a toutefois suggéré au psychiatre un tout autre scénario, dépeignant un homme «fâché» qui n'aurait pas agi par légitime défense et qui, de surcroît, aurait tenté de «s'échapper des conséquences pénales de son geste» en se cachant au Tim Hortons. «Ce que je vous soumets : c'était un individu qui était fragile, qui était au début de la maladie, qui pose un geste volontaire et conscient et qui, après coup, réalisant ce qu'il a fait et étant sujet à cette maladie, débute une nouvelle idée délirante, de manière tout à fait involontaire : c'est impossible que ce geste, je l'ai fait volontairement, elle devait être sur le point de m'attaquer», a proposé Me Perreault.

«Je ne peux pas dire que votre hypothèse est impossible, mais ce n'est pas ce que j'ai entendu de lui, ce n'est pas ça que j'ai compris de la preuve», a rétorqué l'expert de la défense qui a rencontré l'accusé à quatre reprises. Selon lui, l'homme de 21 ans n'a pas «d'instinct agressif» et rien n'indique qu'il aurait été en colère au moment de se rendre au Maxi pour «faire la paix» avec sa persécutrice Clémence.

Randy Tshilumba a admis en interrogatoire avoir menti à sa médecin deux mois avant le meurtre. Il ne prenait notamment pas sa prescription d'antidépresseur. «Il peut à la fois avoir un trouble [de délire] et mentir sur toutes sortes de choses?», a ainsi demandé Me Perreault au témoin. «Oui, c'est possible, il faut le prendre en compte», a-t-il répondu. Dr Morissette note toutefois que l'accusé n'a pas «changé d'un iota sa version» et qu'elle est «compatible avec les informations collatérales». D'autre part, la «pathologie mentale grave» de Randy Tshilumba ne l'empêchait pas de fonctionner au quotidien, a précisé Dr Morissette.

Notons que le jury a appris hier qu'un second psychiatre qui viendra témoigner a diagnostiqué une schizophrénie paranoïde à l'accusé. Le contre-interrogatoire de Dr Morissette se poursuit vendredi.

Photo Edouard Plante-Fréchette, La Presse

Le psychiatre-expert de la défense Louis Morissette