Le Montréalais Ismaël Habib, premier adulte canadien jugé pour avoir tenté de quitter le pays afin de participer aux activités d'un groupe terroriste, a reçu près de 70 000 $ en prêts et bourses sans compléter un seul programme d'études et collecté frauduleusement des prestations d'aide sociale pour ses enfants alors qu'ils n'habitaient plus au pays, a-t-il admis à son procès hier.

M. Habib a été arrêté en 2016 après être tombé dans un piège tendu par la GRC. Un policier qui se faisait passer pour le chef d'une organisation criminelle lui avait fait miroiter la possibilité de lui faire quitter le Canada illégalement par conteneur maritime. Se sachant soupçonné par la GRC de sympathies terroristes, le suspect avait dit vouloir joindre le groupe armé État islamique (EI) en Syrie, où sa femme et ses enfants se trouvaient déjà.

Hier, l'accusé a toutefois expliqué qu'il souhaitait seulement aller secourir sa femme et ses enfants, parce qu'il s'ennuyait d'eux et craignait pour leur sort. Il n'avait aucune sympathie pour l'EI, mais sentait que le chef de l'organisation criminelle serait plus intéressé à lui si c'était le cas. « Je voulais me rendre intéressant », a-t-il expliqué.

Il ne pouvait pas prendre un vol régulier en raison de la surveillance de la GRC.

Questionné sur ses revenus

En contre-interrogatoire, la procureure du Service des poursuites pénales du Canada Lyne Décarie a relevé qu'Habib avait accumulé ces dernières années 70 000 $ en prêts et bourses sans jamais poursuivre sérieusement ses études ni prendre d'arrangement pour rembourser sa dette. Au diplôme d'études professionnelles comme à l'université, il était toujours mis à la porte pour mauvaises notes ou absentéisme.

« Je répondais aux conditions légales pour recevoir l'argent », a dit l'accusé, qui prétend avoir tout de même remis un montant de 12 000 $ à l'État.

Il a aussi collecté pendant plusieurs mois des prestations d'aide sociale mensuelles de 500 $ pour chacun de ses deux enfants, alors qu'ils étaient partis à l'étranger avec leur mère et n'habitaient donc plus avec lui.

Alors qu'il se disait « prêt à tout » pour sauver son épouse et ses enfants, la procureure lui a aussi fait admettre qu'il avait eu des échanges avec quatre autres femmes qu'il voulait épouser. Il a formé un couple avec l'une d'elles, tout en promettant de ne « jamais être injuste » dans ses rapports avec elle et sa première épouse.

Des chants de l'EI

La procureure a aussi passé en revue les recherches que l'accusé effectuait sur Google avant d'être arrêté. Il a notamment fait des recherches sur la façon de traverser en Syrie à partir de la Turquie, sur la façon d'abattre un chasseur F-18, sur les nouvelles du conflit syrien. Surtout, il a cherché des chants religieux de l'EI.

Ismaël Habib a toutefois précisé qu'il n'écoutait pas les paroles des chants, mais plutôt leur rythme, qu'il apprécie comme d'autres personnes qui n'ont pas nécessairement de sympathie pour l'EI.

L'accusé a aussi admis s'être entraîné au maniement des armes, mais une seule fois, lors d'une visite dans un champ de tir avec des amis.