Opération de la grue « au-delà des limites de levage permises » par le fabricant, « planification du travail déficiente » et « contournement des dispositifs de sécurité » par son conducteur. Voilà les trois principaux facteurs responsables d'un accident qui a coûté la vie à un laveur de vitres près de l'UQAM, en avril dernier.

Publié hier, le rapport de la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) sur l'accident est accablant : lorsque le camion-grue utilisé par Lavage de vitres Haute Performance inc. au pavillon Paul-Gérin-Lajoie a basculé, il était chargé à 173 % de sa capacité de levage. Un des stabilisateurs, qui était appuyé en partie sur le trottoir, en partie sur une surface de terre molle, a cédé, provoquant le basculement du véhicule. Lorsque la nacelle a touché le sol, le laveur de vitres Rafael Marchante a été mortellement heurté à la tête par la flèche de la grue.

Les enquêteurs soutiennent que l'opérateur de la grue savait qu'il était en dépassement de capacités, puisque l'ordinateur de bord était fonctionnel et émettait des alarmes de surcharge lorsqu'il a été testé après l'accident. « Le bouton de contournement [de l'alarme] a nécessairement été utilisé », a indiqué l'enquêteur François Deschênes, responsable du volet technique de l'enquête. L'entreprise, qui avait été embauchée en sous-traitance par l'UQAM, recevra une contravention allant de 16 000 $ à 65 000 $, suivant le plaidoyer qui sera enregistré.

AUCUNE FORMATION NÉCESSAIRE

Aucune formation n'est actuellement nécessaire pour les laveurs de vitres qui utilisent une grue semblable. Cette situation fait rager le président du syndicat des grutiers, Evans Dupuis. Son syndicat affilié à la FTQ-Construction (section locale 791G) a tenu une conférence de presse hier en compagnie d'un représentant de Grues Guay. « Ce qu'on souhaite, c'est nous assurer que les professionnels soient extrêmement formés dans le métier », a affirmé Michel Riverain, responsable des opérations de Grues Guay.

Cette sortie du syndicat survient alors que la Commission de la construction du Québec s'apprête à assouplir les règles de formation pour les grutiers. L'organisme souhaiterait abolir la formation de 45 heures obligatoire pour travailler sur les chantiers de construction, pour la remplacer en grande partie par des formations en entreprise. « C'est une erreur grave de vouloir enlever cette formation, plaide M. Dupuis. Ca va nous ramener 20 ans en arrière, comme dans les années 90, alors qu'on comptait en moyenne 4,5 morts par année dans des accidents de grues. »

FORME DE PROTECTIONNISME

La Commission de la construction du Québec voit cependant dans cette alliance entre le syndicat des grutiers et d'importants acteurs du marché de la location de grues une forme de protectionnisme visant à bloquer des entrepreneurs et des travailleurs coûtant moins cher.

« Nous sommes surpris de la sortie de la FTQ, parce que la préoccupation numéro un du projet de réglementation sur lequel nous travaillons, c'est justement la santé et sécurité des travailleurs, affirme le porte-parole de la CCQ, Simon-Pierre Pouliot. Nous travaillons d'ailleurs avec la CNESST pour établir les meilleures formations possibles. Dire qu'on veut mettre à risque les gens sur les chantiers, c'est faux. C'est tout à fait le contraire qu'on cherche en développant ce projet-là », insiste M. Pouliot.