Un détenu de l'Établissement de détention de Montréal a été battu à mort dans une cellule par neuf codétenus mardi soir, a appris La Presse de sources proches du dossier. C'est une dette de tabac d'à peine 10 grammes - l'équivalent d'une dizaine de cigarettes - qui serait à l'origine de cette agression.

Michel Barrette, 46 ans, aurait dissimulé ce tabac dans son rectum dans le but de le revendre, selon une source proche du dossier. Une cigarette vaut entre 10 et 25 $ en prison. C'est pour récupérer ce tabac qu'une bande de jeunes criminels l'a tabassé. Or, elle a plutôt provoqué sa mort en sautant à pieds joints sur son torse.

« Une autopsie a eu lieu jeudi suite à laquelle nous avons pu confirmer que l'homme avait été victime d'un homicide. Nous avons corroboré que le corps portait des marques de violence », a indiqué la porte-parole de la Sûreté du Québec (SQ) Audrey-Anne Bilodeau, qui n'a pas confirmé l'identité de la victime. Le Service des enquêtes sur les crimes contre la personne de la SQ a déjà interrogé plusieurs témoins.

Michel Barrette purgeait depuis juillet 2015 une peine de prison de 15 mois pour possession de stupéfiants en vue d'en faire le trafic. Il avait commis ce crime au profit ou sous la direction d'une organisation criminelle. Ses allégeances criminelles demeurent toutefois inconnues. Ses meurtriers appartiendraient à des groupes racisés, a indiqué une source.

À L'ABRI DES REGARDS

L'agression serait survenue dans un secteur de la prison de Bordeaux de sécurité minimale à moyenne, a rapporté Mathieu Lavoie, président du Syndicat des agents de la paix en services correctionnels du Québec (SAPSCQ-CSN).

« J'ai comme information que ça se serait déroulé dans une cellule à l'abri des regards des agents. Les agents ont pu agir quand la victime s'est présentée mal en point près de la guérite du secteur. Ils ont donné les premiers soins et effectué les manoeuvres de réanimation. En effet, on parle de plusieurs incarcérés qui seraient les agresseurs », a-t-il affirmé. Plusieurs sources interrogées par La Presse ont confirmé cette version des faits.

Selon Mathieu Lavoie, les agents n'ont probablement pas été témoins de l'agression: « Il faut comprendre que dans le secteur D-6, les détenus sont libres de circuler, d'aller en cellule, de se promener. Pour les agents, c'est impossible d'avoir un visuel constant sur tout le monde. On fait des rondes. Mais en dehors de ça, on ne voit pas dans les cellules. Il n'y a pas de caméra. »

Mathieu Lavoie rappelle que les altercations physiques sont fréquentes dans ce secteur et que le seul moyen d'y mettre fin serait de confiner les détenus. Or, la surpopulation et le manque d'effectifs chez les agents des services correctionnels contribuent à accroître la tension dans les établissements carcéraux, selon le président du SAPSCQ. « On s'en va vers l'été, la chaleur dans les établissements, et souvent le manque d'effectifs également, c'est quelque chose qui peut devenir assez explosif », s'inquiète-t-il.

Les conditions de détention sont réputées difficiles à la prison de Bordeaux où s'entassent 1400 détenus. Pour cette raison, certains juges comptent d'ailleurs pour deux jours ou pour un jour et demi chaque journée passée là-bas. En 2005, Mark Sadovski, un homme accusé de viol, avait d'ailleurs été battu à mort par un groupe de détenus le soir de son arrivée à Bordeaux.

- Avec la collaboration de Daniel Renaud