Le grand patron de l'Unité permanente anticorruption (UPAC), Robert Lafrenière, n'ignore pas que des rumeurs circulent depuis six mois sur le renouvellement de son mandat. Mais le fait que certaines discussions de coulisses lui fermant la porte de l'UPAC, qu'il dirige depuis cinq ans, ressurgissent au moment où il présentait hier son bilan annuel aux médias l'a pris au dépourvu.

«Je n'ai aucune indication que le gouvernement ou les partis de l'opposition ne sont pas satisfaits. [...] Quand le processus sera mis en place, je serai un des candidats intéressés. Je n'ai eu aucun contact que mon mandat n'était pas renouvelé, que je n'étais pas choisi», a dit M. Lafrenière en entrevue à La Presse. Puis, il a rapidement donné l'assurance qu'il souhaitait continuer le travail accompli depuis la création de l'UPAC en 2011.

Quelques heures plus tard, en fin d'après-midi, le nom de l'ex-procureure en chef de la commission Charbonneau, MSonia LeBel, est apparu sur Twitter: son nom circule «comme candidate pour remplacer le boss de l'UPAC», a lancé une journaliste du Journal de Québec.

La Presse a joint MLeBel, qui a affirmé que si son nom circule, c'est bien malgré elle. «Vous me l'apprenez. Je n'ai fait aucun mouvement et je n'ai pas été sollicitée. Je suis surprise, mais c'est flatteur», a-t-elle indiqué avant de rappeler qu'elle avait repris ses fonctions de procureure de la Couronne le 1er décembre dernier.

Corps policier

Chose certaine, Robert Lafrenière veut rester en selle, comme il l'avait d'ailleurs soutenu sur la colline Parlementaire le mois dernier. «J'ai beaucoup de choses que je veux mettre en place. J'ai plusieurs ambitions pour l'UPAC. Je me sens encore en pleine forme pour continuer», a-t-il indiqué.

Ainsi, M. Lafrenière réitère sa volonté de voir l'UPAC gagner sa pleine autonomie au cours des prochains mois par une loi qui en ferait un corps policier à part entière. Le gouvernement du Québec, qui est ouvert à l'idée, attendait officiellement la fin de la commission Charbonneau avant d'aller de l'avant.

La structure actuelle de l'UPAC fait en sorte, entre autres choses, que M. Lafrenière n'a pas le pouvoir hiérarchique sur les policiers de l'escouade Marteau dans son équipe, puisqu'ils relèvent toujours de la Sûreté du Québec (SQ).

Le commissaire souhaite également que l'UPAC puisse mettre la main sur les millions qui ont été volés aux contribuables dans des manoeuvres frauduleuses et qui sont cachés un peu partout sur la planète; 33 ententes mutuelles d'assistance judiciaire avec des corps policiers internationaux sont en marche, mais tout doit passer par la SQ.

Enquêtes politiques

En ce qui concerne une certaine impatience dans la population par rapport aux enquêtes touchant le monde politique en général, et en particulier le Parti libéral du Québec et les organisateurs et collecteurs de fonds qui gravitent autour, Robert Lafrenière se montre rassurant. Pourtant, à pareille date l'année dernière, M. Lafrenière disait qu'il s'agissait d'enquêtes «qui vont aboutir, [il] le souhait[ait] ardemment, en 2015». Et il n'y a aucune conclusion à l'horizon.

«Les dossiers cheminent. Il n'y a pas de dossiers qui dorment. Les gens travaillent fort», a d'abord expliqué M. Lafrenière, qui rejette l'idée que les choses puissent être lentes parce que cela touche le monde politique provincial.

«Je suis convaincu que les procureurs sont intègres et que les policiers sont intègres. Ce n'est pas une question d'être partisan ou qu'il y ait de l'influence», a-t-il tranché.

Et s'il y a eu davantage de dossiers d'enquêtes concernant le monde municipal jusqu'à maintenant, c'est qu'il y a eu plus de signalements de ce côté. «On ne peut pas aller plus vite. On est vraiment accotés dans le tapis!», lance M. Lafrenière avant de faire l'éloge de son équipe.

«Je ne suis jamais dans un show de boucane. Chaque geste, chaque stratégie est pensée pour faire avancer le dossier. Je suis épaté par le génie de certains de nos enquêteurs. Il y a beaucoup de jeunes qui arrivent avec de nouvelles façons d'aborder les choses et devant lesquelles on dit: wow!»

Pour ce qui est de la possibilité que la commission Charbonneau ait laissé le champ libre à l'UPAC dans les enquêtes politiques, notamment dans le financement occulte des partis, ce qui expliquerait la minceur de ce chapitre du rapport final, M. Lafrenière se contente de rappeler qu'«il y avait une coordination quotidienne» entre les deux organisations pour ne pas nuire aux enquêtes. Et c'est réussi, s'est-il borné à commenter.