Dix-huit ans après avoir tué Diane Lavigne, Stéphane Gagné a pu demander pardon de vive voix à la famille de la gardienne de prison.

«Je m'excuse pour ce que j'ai fait», a dit l'ex-motard de 45 ans, la voix étranglée par l'émotion, ce mardi, en conclusion de son témoignage qui vise à convaincre un jury qu'il a changé au point de mériter une libération anticipée. 

Assise dans la salle d'audience, Chantal Daoust - l'une des deux filles de la victime - a tenté de retenir ses larmes jusqu'à la fin du témoignage de Gagné avant de sortir dignement de la salle d'audience pour éclater en sanglots.

Détenu depuis 18 ans, Gagné a retourné sa veste après avoir plaidé coupable au meurtre de Mme Lavigne, et à la tentative de meurtre contre un autre gardien, Robert Corriveau. En échange de sa collaboration avec l'État, la poursuite a laissé tomber la seconde accusation de meurtre prémédité qui pesait contre lui (meurtre du gardien Pierre Rondeau). Par la suite, Gagné a été condamné à une peine d'emprisonnement à vie sans possibilité d'être libéré avant 2022 (date qu'il veut aujourd'hui devancer). 

Au fil des ans, le délateur a fait condamner plusieurs motards dont le chef des Hells Angels au Québec, Maurice Boucher, qui avait commandé les meurtres des gardiens de prison.

Aujourd'hui, Gagné jure qu'il a des «regrets sincères» d'avoir ainsi tué d'innocentes victimes parce que ces dernières symbolisaient l'État dans l'espoir de grimper les échelons de la puissante organisation criminelle.  

En 2007, Gagné avait déjà entrepris un processus de «justice réparatrice» dans lequel il avait écrit une lettre aux familles des victimes. Or, sa lettre est restée sans réponse.

«Comprendriez-vous que les victimes ne vous pardonnent jamais ?», lui a demandé le procureur de la Couronne, Me François Lanthier. 

«C'est sûr, je le comprendrais très bien. Je pardonnerais-tu aux Hells s'ils enlevaient mon fils. Je pense que la réponse est non», a répondu l'ex-motard. 

Après avoir passé 18 ans derrière les barreaux dont sept en isolement 23h sur 24 -«au trou» comme disent les détenus -, Gagné assure qu'il est prêt à sortir de prison. 

Faisant référence à son ancien train de vie luxueux alors qu'il était chez les Hells, Me Lanthier de la poursuite lui a demandé : «Dehors, vous ne gagnerez pas 100 000$ par année, vous le savez, ça ?»

«Je suis très conscient de ça. Je suis prêt à laver de la vaisselle et vivre dans un 1 1/2 (...) J'ai vécu dans une toilette pendant 18 ans (sa cellule était exiguë)», a répondu Gagné. 

Pour prouver qu'il peut vivre modestement, le détenu a souligné qu'il réussissait à subvenir à ses besoins en prison avec un salaire de 36$ par deux semaines (70h de travail). Avec cet argent, il paie ses vêtements, ses collations et son épicerie lorsqu'il reçoit sa famille «dans une roulotte». 

Toutes ces années, malgré les contraintes de sécurité, Gagné a toujours réussi à maintenir une bonne relation avec sa famille. Lorsque son fils a appris la raison pour laquelle il était en prison, le garçon a lancé à son père: «j'ai honte de toi, mais je t'aime pareil». 

Aujourd'hui, le principal objectif de Gagné c'est de regagner ce respect perdu. «J'aimerais ça que mon fils redevienne fier de moi. Moi aussi, je veux redevenir fier de moi en me levant le matin pour aller travailler et gagner ma vie dans le respect des lois», a dit le délateur aux membres du jury en les regardant en face. 

Lisez notre portrait de Stéphane Gagné >>