Les mesures de sécurité auraient été fortement augmentées au Centre de services judiciaires Gouin si le témoin-vedette Sylvain Boulanger avait témoigné, parce que l'ancien Hells Angels aurait un contrat sur sa tête.

C'est ce que l'on apprend dans une décision rendue le six octobre dernier par le juge James L. Brunton de la Cour Supérieure dans laquelle le magistrat ordonne une série de mesures visant à resserrer la sécurité dans le petit palais de justice du boulevard Gouin.

C'est le 25 septembre dernier qu'un officier des constables spéciaux des palais de justice a avisé la Cour que les mesures devraient être renforcées lors du témoignage de Boulanger, à la suite d'informations reçues au module de protection des témoins collaborateurs dirigé par la Sûreté du Québec.

Quatre jours plus tard, une audience s'est déroulée à huis clos. Dans sa décision, le juge donne quelques détails sur les menaces qui pesaient sur Boulanger.

«Il y a un contrat sur sa vie qui prévoit le paiement de 500 000$ à celui qui l'assassine. Sa photo a été vue affichée dans divers lieux associés aux Hells Angels, pas seulement au Québec mais aussi ailleurs au pays. Les photos étaient accompagnées de phrases laissant entendre que les collaborateurs doivent être éliminés. Considérant la nature de l'organisation des Hells Angels, leur volonté et leur capacité, les menaces sont prises au sérieux», a écrit le magistrat dans sa décision.

Débat sensible

Les constables spéciaux proposaient que durant le témoignage de Boulanger, qui se serait vraisemblablement échelonné sur plusieurs semaines, un détecteur de métal (il y en a déjà un à l'entrée du centre) soit ajouté à l'entrée de la salle d'audience, que les porte-documents, sacs à main et autres effets personnels de toute personne entrant dans la salle, y compris les avocats, fassent l'objet d'un examen visuel, et que le personnel et les membres du jury soient soumis au détecteur de métal portatif.

Le juge Brunton a exclu des débats les procureurs des deux parties impliquées dans la cause mais il a fait appel à deux avocats indépendants en tant qu'amis de la Cour pour représenter la Poursuite et la Défense.

Les deux amis de la Cour ont d'emblée émis des réserves sur la fouille des membres du jury, considérant que cela aurait créé des inquiétudes et un climat de méfiance qui aurait miné les chances d'avoir une délibération sereine.

Les avocats ne sont jamais soumis à la fouille dans les palais de justice et les deux amis de la Cour ont également dit souhaiter que l'examen des procureurs soit effectué de manière non abusive.

Le juge Brunton, qui a dit considérer les menaces comme étant «sérieuses» et la décision d'augmenter les mesures de sécurité comme «légitimes», a donné son accord à l'installation d'un détecteur de métal à l'entrée de la salle, à l'examen visuel des documents des avocats et à la fouille personnelle du personnel de la Cour avec l'aide d'un détecteur de métal portatif. Il a toutefois interdit que des mesures de sécurité additionnelles soient prises pour les membres du jury, considérant que cela affecterait l'équité du procès.

Finalement, Sylvain Boulanger ne témoignera pas, du moins pas à court terme. Le même juge Brunton a en effet décrété un arrêt des procédures vendredi contre les cinq Hells Angels qui subissaient leur procès depuis le 10 août.

Boulanger, ancien membre et sergent d'armes du chapitre des Hells Angels de Sherbrooke, a retourné sa veste en 2006 et signé un contrat de témoin collaborateur de près de trois millions de dollars, le plus gros de l'histoire du Canada.