L'Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador réclame une enquête publique sur les morts violentes et obscures des jeunes autochtones survenues depuis l'an 2000 dans la province - un drame mis en lumière par La Presse dans une grande enquête publiée le week-end dernier.

Son chef Ghislain Picard s'est dit ébranlé par la violence de certaines morts et presse le gouvernement québécois et son Bureau du coroner de réaliser une enquête publique sur cette tragédie.

« C'est malheureusement une situation qui est presque normalisée dans certaines communautés. Il faut se pencher sur les raisons profondes de cette tragédie, et ce, autant à l'intérieur qu'à l'extérieur des communautés », affirme le chef Ghislain Picard, dont l'organisation regroupe 43 chefs des Premières Nations au Québec et au Labrador.

Depuis 15 ans, 259 enfants et adolescents autochtones sont morts dans des circonstances violentes ou obscures au Québec, a révélé notre enquête inédite.

Suicides, accidents, maladies, meurtres : le taux de morts suspectes chez les enfants inuits et des Premières Nations est de trois à quatre fois supérieur à celui de l'ensemble de la jeunesse québécoise.

On parle d'environ 9 % des morts obscures d'enfants et d'adolescents survenues dans la province depuis 15 ans. Or, les jeunes autochtones représentent seulement 2,6 % des Québécois de moins de 19 ans.

Les jeunes autochtones sont clairement surreprésentés. Ils ont non seulement un taux anormalement élevé de suicide, mais aussi de mort subite du nourrisson, de troubles pulmonaires, de maladies et d'accidents de toutes sortes.

Les problèmes liés à l'éloignement ou au manque de ressources sont d'ailleurs à l'origine de plusieurs dizaines de morts, indique notre compilation.

Un boom de naissances préoccupant

L'Assemblée des Premières Nations s'est aussi dite préoccupée par le boom de naissances vécu dans certaines communautés, faisant ainsi écho aux propos d'autres leaders autochtones cités dans notre enquête qui qualifiaient la situation de « bombe à retardement ». De plus en plus de jeunes autochtones voient le fait de devenir parents comme la meilleure façon de se sortir de la pauvreté.

« Dans une société idéale, cette croissance démographique serait le paradis, mais dans notre cas, il n'y a tellement pas de ressources. On n'a tellement pas les moyens de répondre à cette croissance-là. On ne fait qu'empirer la situation », dit le chef Ghislain Picard.

La population autochtone au Canada pourrait doubler d'ici à 2040, selon certaines prévisions démographiques. « Il faut trouver une façon de donner à ces jeunes, dont certains ne sont pas encore nés, une société avec de plus grandes perspectives d'avenir », poursuit le chef de l'Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador.

Évacuée de la campagne

Alors que la campagne électorale fédérale s'achève, l'Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador déplore que la question autochtone ait été évacuée des enjeux dont il a été question durant la course.

Cela fait plus de deux ans que l'Assemblée des Premières Nations du Canada, appuyée par de nombreuses autres organisations autochtones, des premiers ministres provinciaux et territoriaux et même un rapporteur spécial de l'ONU, réclame en vain une commission d'enquête nationale sur les femmes autochtones disparues ou assassinées.

Elles seraient 1200 à manquer à l'appel depuis 30 ans au Canada. Malgré les pressions, le premier ministre Stephen Harper ne s'est jamais engagé à entreprendre un tel processus. Il dit vouloir laisser la Gendarmerie royale du Canada enquêter.

Dans le cadre de l'actuelle campagne électorale, le Nouveau Parti démocratique, le Parti libéral du Canada et le Bloc québécois se sont tous prononcés en faveur d'une enquête publique.