C'est une confusion entre deux détenus au même nom de famille suivie d'une absence de vérification qui serait à l'origine de l'évasion de Francis Boucher du Centre de détention de Montréal, a appris La Presse de différentes sources.

D'après nos informations, l'erreur initiale aurait été faite par un agent des services correctionnels qui aurait confondu le fils de l'ancien chef des Hells Angels avec un autre Boucher, Stéphane, dont la libération était prévue lundi matin.

Devant la tournure inattendue des événements, Francis Boucher aurait visiblement profité de la situation sans avoir mis en oeuvre lui-même un «stratagème», mot utilisé par la ministre de la Sécurité publique, Lise Thériault, hier.

Selon nos informations, comme c'est le cas pour n'importe quelle libération de détenu, le gardien qui a confondu les deux Boucher aurait escorté Francis dans les couloirs de la prison - lui permettant ainsi de franchir quelques grilles surveillées - jusqu'à l'entrée de Bordeaux, où des vérifications d'usage, avec comparaison de photos, n'auraient vraisemblablement pas été faites.

Par la suite, comme n'importe quel autre détenu, Francis Boucher serait sorti par la porte située près de l'entrée, et serait parti à pied vers un lieu inconnu.

Un tel scénario, s'il se confirme, exclurait donc l'hypothèse que le détenu en cavale ait pu compter sur un complice parmi les gardiens. «Rien n'indique qu'il y a eu complicité d'un gardien ou un subterfuge du détenu. Ce serait plutôt une suite d'erreurs. Une enquête administrative va permettre de vérifier si toutes les procédures d'usage ont été enclenchées», nous a dit une source.

«Visiblement, même s'il n'a pas initié son évasion, Francis Boucher semble avoir été le seul qui ait agi de mauvaise foi dans cette affaire», a dit une autre.

En attendant la fin de l'enquête administrative, un agent des services correctionnels d'expérience a été relevé provisoirement de ses fonctions, avec solde.

Jamais deux sans trois

En janvier dernier, un prévenu a utilisé le nom de son frère sur le point d'obtenir sa liberté pour s'évader du Centre de détention de Rivière-des-Prairies. En juin 2014, les images des trois évadés en hélicoptère d'Orsainville ont fait le tour du monde.

Cette nouvelle bourde des services correctionnels québécois dans l'affaire Francis Boucher a soulevé les passions, hier, à Québec.

«Il y a des questions qui se posent, a dit le député péquiste Pascal Bérubé. Comment le fils d'un des plus célèbres criminels au Québec, qui est connu de tout le monde dans le monde carcéral, peut-il aussi facilement quitter un établissement de détention?»

Le chef de la Coalition avenir Québec, François Legault, a pour sa part pressé le gouvernement Couillard de faire preuve de «transparence» et de lever le voile au plus vite sur les circonstances de la libération de Francis Boucher.

«Actuellement, la ministre n'est même pas capable de nous dire si c'est une erreur ou une évasion. Est-ce qu'on peut savoir exactement ce qui s'est produit et quelles sont les mesures qui seront prises pour que ça ne se reproduise plus?»

La ministre Lise Thériault s'est montrée ulcérée devant la situation.

«Quand les gens rentrent dans les centres de détention, on s'attend à ce qu'ils sortent lorsque les temps sont complétés. Donc, le fait qu'il y ait eu une erreur ou un stratagème qui a été utilisé pour que M. Boucher puisse se retrouver en liberté illégale, c'est inadmissible. La priorité numéro un, c'est que les forces policières puissent mettre la main au collet de M. Boucher et le ramener au centre de détention», a-t-elle dit.

La Sûreté du Québec, qui a le mandat de retrouver Boucher, a interrogé les employés de la prison, hier, mais s'est refusée à tout commentaire.

Francis Boucher a été arrêté en novembre dernier et condamné pour avoir menacé des policiers. Il devait obtenir sa libération dans à peine deux mois, mais en raison de cette cavale, son séjour en prison se prolongera inévitablement s'il est repris.

Même s'il est le fils de Maurice Boucher, ancien chef des Hells Angels aujourd'hui expulsé de l'organisation criminelle, Francis Boucher n'a plus aucun statut chez les motards criminels, nous indiquent nos sources.

Cette affaire risque de relancer le débat pour que des changements technologiques, telle la reconnaissance par empreintes digitales, soient adoptés pour contrôler les allées et venues dans les prisons québécoises.

Il y a 2500 détenus au Centre de détention de Montréal.