Un joueur important du crime organisé irlandais, ex patron d'une fugitive américaine assassinée l'année dernière à Montréal, a été arrêté pour trafic de drogue et possession d'armes, mardi à Montréal, a appris La Presse.

Jeffrey Colegrove, 48 ans, et deux présumés complices, ont été arrêtés par les enquêteurs des stupéfiants de la Région Ouest du SPVM, à la suite d'une courte enquête engendrée par des informations de source.

Il a été appréhendé par le Groupe tactique d'intervention dans le secteur Pointe-Claire, après avoir été vu sortir d'une maison de Dollard-des-Ormeaux, où les policiers ont trouvé trois armes de poing et une certaine quantité de cocaïne, de crack et de marijuana. Selon nos informations, plus de 10 000$ auraient également été trouvés dans le véhicule de Colegrove, qui a été accusé hier au Palais de justice de Montréal.

La Couronne s'est objectée à sa remise en liberté.

La mort d'Elizabeth

Colegrove est considéré par la police comme un joueur important de la mafia irlandaise, impliqué notamment dans le trafic de marijuana entre le Canada et les Etats-Unis. Son nom figurerait sur la liste de contacts de Jimmy Cournoyer, surnommé le «Roi du pot à New York», condamné à 27 ans de prison aux Etats-Unis.

Associé dans le passé de l'influent lieutenant du crime organisé irlandais Shane Kenneth Maloney selon nos sources, Colegrove aurait été le patron d'Elizabeth Barrer, une trafiquante de drogue figurant sur la liste des criminels les plus recherchés aux Etats-Unis et tuée dans la plus pure tradition du crime organisé, dans une obscure rue de Montréal en mars 2014. Colegrove et la femme auraient été très proches et fréquentaient le bar Tribe Hyper Club de la rue Saint-Jacques. Le meurtre n'a pas encore été élucidé par la police de Montréal.

Organisation bien rodée

Au moment de son arrestation mardi, Colegrove était recherché par la GRC pour ne pas avoir tout à fait complété une sentence antérieure.

En 1997, il a été condamné à une peine de 10 ans de pénitencier à la suite d'une opération baptisée Azimuth par laquelle la section Antigang de la police de Montréal avait démantelé un réseau de trafiquants de marijuana, de cocaïne et de crack.

Les suspects, dont certains étaient liés à un gang de rue de l'ouest de l'ile de Montréal, produisaient de la marijuana et l'exportaient vers les États-Unis. Avec les profits, ils achetaient de la cocaïne, l'importaient au Canada et la transformaient en crack.

Les trafiquants utilisaient des «mules» qui franchissaient la frontière en voiture et récupéraient sur la route des passeurs de drogues qui avaient traversé les lignes par les bois ou les champs. Des gardiens armés surveillaient les serres de production de marijuana de la Montérégie et des Cantons-de-l'Est, même la nuit.

Le groupe, qui avait des contacts colombiens dans le Bronx, à New York, était bien organisé et faisait des affaires d'or, tellement que les enquêteurs les ont entendu sur les lignes se moquer d'une saisie de 300 000$ que la police avait réalisée.

Colegrove, qui avait 30 ans à l'époque, dirigeait le réseau de sa cellule d'un pénitencier de l'Alberta où il avait été condamné pour une autre affaire de drogue. «Il avait acheté le téléphone du pen, c'est à dire qu'il avait versé de l'argent à ses codétenus pour que ces derniers n'utilisent pas le téléphone durant une plage horaire, pour lui permettre de mener ses affaires», nous a confié un ancien enquêteur.

Colegrove envoyait également des lettres à une tierce personne, qui les transmettait par la suite aux «employés» du détenu.

Selon la preuve de l'époque, l'organisation blanchissait son argent dans un club vidéo de la rue Girouard, dans le secteur Notre-Dame-de-Grâce, où les factures d'électricité des serres étaient également envoyées pour ne pas éveiller les soupçons.

Le chien est mort

En 1994, Colegrove avait été arrêté en compagnie de cinq autres individus soupçonnés d'avoir battu un résident de la région de Sainte-Martine qui avait tué un Rothweiler qui s'était retrouvé sur son terrain. L'arrestation des suspects avait mené les policiers à une maison de ferme sur laquelle ils avaient découvert un véritable arsenal et une serre hydroponique de culture de marijuana.

En mai 2003, Colegrove s'était échappé du pénitencier à sécurité minimum Montée Saint-François à Laval.

Photo d'archives

Elizabeth Barrer