Il faudra au moins un an pour mettre en place le dispositif permettant de fouiller systématiquement les agents correctionnels dans les centres de détention du Québec, une des principales recommandations du rapport de l'ex-sous-ministre Michel Bouchard, qui sera rendu public aujourd'hui.

Dans son rapport d'environ 80 pages, M. Bouchard, qui avait été mandaté pour faire la lumière sur les circonstances de l'évasion de trois détenus à Orsainville, le 7 juin dernier, n'a pas établi que les trois fuyards auraient pu bénéficier de complices à l'intérieur pour faciliter l'opération.

La ministre de la Sécurité publique, Lise Thériault, avait perdu la face dans sa série de déclarations contradictoires sur cette évasion. Le rapport constate qu'elle avait été mal informée par le ministère de la Justice et par les Services correctionnels. Mme Thériault a convoqué hier soir les syndicats des Services correctionnels pour leur faire part des recommandations qui seront rendues publiques ce matin. Elle déposera le rapport à l'Assemblée nationale.

Détecteurs de métal

Au-delà des circonstances des évasions, Me Bouchard conseille de fouiller les gardiens de prison à l'avenir - ils sont susceptibles de faire entrer des téléphones cellulaires ou des armes. La mise en oeuvre de cette mesure sur trois quarts de travail reste un défi important, prévient-on. Des détecteurs de métal pourraient être installés, mais le gouvernement restera bien impuissant pour bloquer l'entrée de stupéfiants à l'intérieur des murs. Ici, le rapport recommande de faire un effort pour débusquer les contrebandiers à partir d'enquêtes et de renseignement.

Une fouille plus énergique, corporelle, serait vite rejetée en cour comme contraire à la Charte des droits, expliquent des sources au gouvernement, où on analyse actuellement les recommandations de Me Bouchard. Le rapport Bouchard souligne que les agents des Services correctionnels risquent d'être la cible d'intimidation. Par la menace, on peut les inciter à aider des prisonniers en leur apportant des stupéfiants à l'intérieur des murs.

Des travaux sont déjà en cours pour empêcher des hélicoptères de survoler les cours des centres de détention. C'est le cas à Orsainville, mais Québec en ignore les coûts globaux pour l'instant - on compte plus de 20 centres de détention au Québec. À l'approche de l'hiver, plusieurs évaluations devront attendre le printemps, explique-t-on.

Pas d'images

Le rapport constate qu'il n'y a pas d'images de l'hélicoptère captées par la caméra de surveillance. Un reportage avait à l'époque indiqué qu'elle n'était pas en fonction. En fait, l'opérateur avait décidé de braquer l'objectif sur un outil dans la cour, une paire de pinces pour sectionner le métal qui aurait pu servir à l'évasion. «C'était une décision qui se défend», indique-t-on.

Les trois évadés ont été épinglés dans un condo du centre-ville de Montréal le 22 juin, deux semaines après leur évasion spectaculaire par hélicoptère. Serge Pomerleau, Denis Lefebvre et Yves Denis ont été reconnus coupables, le 9 octobre, de complot et de trafic de drogue, ainsi que de deux accusations de gangstérisme déposées dans la foulée de l'opération Écrevisse. Les trois hommes sont loin d'en avoir terminé avec la justice: ils sont accusés de deux meurtres. Yves Denis et Denis Lefebvre sont accusés de complot pour commettre l'homicide involontaire de Kevin Walter, sauvagement tabassé dans un logement de Rouyn-Noranda. Les trois hommes sont aussi conjointement accusés de complot pour meurtre et du meurtre prémédité de Johnny Coutu, un ancien notaire de Val-d'Or. Le trio est aussi accusé du complot pour meurtre et du meurtre prémédité de Benoît Denis, demi-frère d'Yves Denis, tué à Saint-Alphonse-Rodriguez en 2010.

Conditions assouplies

D'autres détenus proches des motards criminels avaient utilisé le même stratagème à Saint-Jérôme, en mars 2013. Le rapport de Me Bouchard constate que les détenus d'Orsainville bénéficiaient d'une révision à la baisse de leur cote de sécurité, un droit d'accès à la cour où a eu lieu l'évasion.

À Québec, on confirmait les informations diffusées hier par Radio-Canada voulant que le rapport indique que la directrice du centre de détention d'Orsainville s'était sentie incitée, «coincée», à la suite d'une rencontre avec le juge Louis Dionne, qui présidait le procès des prisonniers qui se sont évadés.

Selon la directrice, le juge Dionne craignait l'avortement des procédures si leurs conditions de détention n'étaient pas assouplies.