Le gouvernement conservateur compte propager l'usage du bracelet électronique à grande échelle au pays pour surveiller les délinquants «à haut risque» à leur sortie de prison. Une mesure qu'il entend mettre en place avant les prochaines élections fédérales.

En entrevue à La Presse cette semaine, le sénateur Pierre-Hugues Boisvenu a déclaré que cette approche pourrait toucher à terme de «10 à 15%» des quelque 15 000 personnes détenues dans les pénitenciers fédéraux.

Son estimation, a-t-il précisé, correspond au pourcentage de ces délinquants qui ont commis un crime grave et qui présentent, en théorie, un haut risque de récidive.

«On poursuit un objectif de protection de la société. On ne peut pas arriver avec un projet qui va toucher seulement cinq ou six individus», a relevé hier M. Boisvenu, qui se présente comme porte-parole du gouvernement dans ce dossier.

La surveillance électronique pourrait notamment être utilisée pour les détenus qui profitent d'une libération conditionnelle ou qui font l'objet d'une ordonnance de surveillance de longue durée.

Le sénateur a précisé qu'Ottawa espérait procéder rapidement pour que l'initiative figure au bilan du Parti conservateur avant le prochain scrutin.

Un système de surveillance électronique constituerait un «outil de contrôle» de plus mais non une panacée, note M. Boisvenu.

Ottawa avait déjà introduit dans la loi omnibus C-10 un article permettant au Service correctionnel du Canada (SCC) d'imposer un «dispositif de surveillance» à des détenus soumis à leur libération à des restrictions géographiques.

Le règlement d'application définissant à quel «type de crime» et en fonction de quels critères la surveillance électronique doit être retenue est en voie d'être élaboré par le ministère de la Sécurité publique et le ministère de la Justice, a précisé M. Boisvenu. Ce sera ensuite au SCC de l'appliquer «au cas par cas».

Aucun délinquant sous l'autorité du gouvernement fédéral n'est soumis pour l'heure à une telle surveillance. L'approche est cependant utilisée par une demi-douzaine de provinces pour la gestion des peines, généralement à petite échelle et sur des détenus à faible risque.

Le sénateur a affirmé que le recours au bracelet électronique devrait permettre de réduire à la fois le taux de récidive et le taux d'incarcération, générant suffisamment d'économies pour «autofinancer» l'infrastructure de surveillance électronique.

Projet-pilote

La décision du gouvernement fédéral survient alors même que le SCC s'apprête à lancer en 2015 un projet-pilote visant à évaluer l'efficacité et la rentabilité de cette approche.

Une porte-parole du SCC, Véronique Rioux, a précisé par courriel que «les résultats de recherche du projet-pilote ainsi que les meilleures pratiques et les leçons apprises aideront à prendre les décisions relatives à la prestation future de services de surveillance électronique».

L'étude à venir fait écho à un rapport du Comité permanent de la sécurité publique et nationale. Ses auteurs relevaient en 2012 que «les travaux de recherche effectués au sujet de la surveillance électronique dans le domaine correctionnel ne permettent pas de confirmer ou d'infirmer l'efficacité de cette méthode de surveillance».

Un premier projet-pilote mené par le SCC en 2008 et 2009 n'avait relevé «aucune diminution du taux de récidive chez les délinquants». Selon le comité parlementaire, il portait cependant sur des délinquants à faible risque de récidive qui étaient donc, par définition, peu susceptibles de commettre un nouveau crime.

Registre public de pédophiles

Le sénateur a précisé les intentions du gouvernement relativement à la surveillance électronique alors qu'il réagissait à un dossier de La Presse sur le traitement des délinquants sexuels en Floride et au Canada.

M. Boisvenu a rappelé que le gouvernement fédéral entendait aller de l'avant avec l'adoption d'un registre public pour les délinquants sexuels ayant ciblé des enfants qui présentent un haut risque de récidive. Il précisera leur ville de résidence ainsi que leur «arrondissement» sans aller jusqu'à révéler leur adresse comme le font les registres en place aux États-Unis.

Plusieurs provinces canadiennes ont adopté l'approche retenue par Ottawa depuis longtemps sans susciter de controverse, souligne M. Boisvenu, qui insiste sur la nécessité de trouver un équilibre entre «le droit du détenu à la réhabilitation» et «le droit du public à la protection».

Le sénateur - qui juge le modèle américain trop «extrême» - a précisé par ailleurs que le gouvernement n'entendait pas imposer de restrictions résidentielles générales aux délinquants sexuels comme le fait la Floride.

Plusieurs municipalités de l'État américain empêchent les délinquants sexuels de se loger à moins de 750 m d'écoles, de services de garde ou de parcs fréquentés par des enfants, rendant leur établissement en milieu urbain très difficile.

Surveillance à distance

Le bracelet électronique, qui se porte à la cheville, permet de relever à distance la position de la personne surveillée. Il peut envoyer un signal d'alarme lorsqu'elle se trouve dans une zone qui lui est interdite par ses conditions de probation.

Le système peut fonctionner avec un émetteur GPS, qui utilise un réseau satellitaire, ou un émetteur de fréquence radio. Une surveillance à distance peut aussi être effectuée avec un appareil biométrique qui permet de vérifier que la personne ciblée se trouve à l'endroit requis à une heure donnée.