Une avocate actuellement en congé de maternité qualifie de «sexiste» une récente décision d'un juge de la Cour du Québec rendue à l'endroit de l'une de ses clientes.

Le juge Bruno Leclerc, de la Cour du Québec, a refusé de reporter la cause de la cliente de Me Gabrielle Gauthier. L'accusée voulait attendre le retour au travail de son avocate en janvier, au terme de son congé de maternité, pour la tenue des plaidoiries sur la peine.

Le magistrat a ordonné que l'audience se déroule jeudi, bien que l'avocate en congé de maternité ne puisse pas être présente.

La cliente de Me Gauthier, Mélanie Galipeault, se tourne aujourd'hui vers la Cour supérieure pour empêcher l'audience d'avoir lieu devant le juge Leclerc (bref de prohibition).

«La décision du juge Leclerc ne prend pas en compte la réalité d'aujourd'hui, s'indigne Me Gauthier. Je considère que c'est une décision sexiste qui brime le droit de ma cliente à l'avocat de son choix. C'est un droit inscrit dans la Charte.»

Son collègue qui plaidera la requête devant la Cour supérieure est tout aussi indigné. «C'est désolant qu'en 2014 on nie le droit d'une femme à prendre son congé de maternité», lance Me Neil Demmerle.

L'avocat criminaliste compare la décision du juge Leclerc à l'attitude «intrinsèquement sexiste» du juge Jean-Guy Boilard - ce sont les mots de la juge en chef de la Cour d'appel - à l'endroit d'une avocate dans un dossier de meurtre datant de 2011. La Cour d'appel vient d'ordonner un nouveau procès en raison du comportement du magistrat.

La cliente de Me Gauthier est aussi furieuse. «Au Québec, les congés de maternité devraient être respectés. Je ne vois pas pourquoi je confierais ma cause à un avocat que je ne connais pas et qui ne connaît pas mon dossier, alors que Me Gauthier a toujours fait un excellent travail et que je lui fais entièrement confiance», a dit l'accusée, elle-même mère de famille.

Sexisme ou délai déraisonnable?

Me Gauthier affirme avoir pris les mesures nécessaires pour terminer la cause de sa cliente avant la date prévue de son accouchement. Les plaidoiries sur la peine de sa cliente avaient été fixées à l'origine au 23 mai, alors que l'avocate devait accoucher en juillet.

Or, le juge a reporté l'audience au 16 juin, puisqu'il n'était plus disponible en mai. À cette date, Me Gauthier n'a pu se présenter à la cour, car elle était sur le point d'accoucher.

Mme Galipeault a reconnu avoir été en possession de documents volés plus tôt cette année. La femme sans antécédent judiciaire veut éviter la prison et obtenir une absolution inconditionnelle.

Aux yeux du juge, «il n'est pas question de reporter à l'hiver 2015 [moment du retour de congé de maternité de l'avocate] un dossier de vol de sac à main et de documents, dossier pour lequel les représentations nous semblent plutôt simples à faire», peut-on lire dans sa décision.

La Presse a contacté le juge Leclerc pour obtenir des précisions sur sa décision. Le magistrat n'a pas rappelé.

Le Barreau du Québec, chargé de surveiller l'exercice de la profession d'avocat, a aussi refusé de commenter «par souci de préserver la sérénité des débats», a indiqué sa directrice des communications, France Bonneau.