La famille Villanueva et les avocats de parties intéressées ont dit souhaiter que d'autres changements soient apportés, à la suite du rapport du coroner Perreault sur la mort de Fredy Villanueva. Ils demandent que le policier qui a tiré, Jean-Loup Lapointe, soit muté et demandent s'il est approprié qu'il porte encore une arme à feu.

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De plus, des poursuites civiles déjà intentées, qui avaient été suspendues pendant l'enquête du coroner, pourront être réactivées après ce rapport, a indiqué mardi l'un des avocats, Me Peter Georges-Louis, qui représente la famille Villanueva.

L'avocat a aussi précisé que même si le Directeur des poursuites criminelles et pénales avait déjà décidé de ne pas déposer d'accusation contre le policier dans ce dossier, il a déjà entrepris de son côté des démarches pour voir si des accusations pourraient être portées quant à la responsabilité criminelle de l'agent Jean-Loup Lapointe.

Quant à la mère de Fredy Villanueva, Viviane, présente à la même conférence de presse, elle a très brièvement pris la parole pour défendre la mémoire de son fils. «Mon fils Fredy n'est pas un voyou. Il n'a jamais voulu désarmer Lapointe. Il n'est pas une menace pour la vie de l'agent Lapointe. Mon fils Fredy est mort pour rien», a-t-elle lancé, en retenant difficilement ses larmes.

Me Alain Arsenault, avocat d'un des blessés, a remis en question le travail de l'agent Lapointe. Selon lui, l'agent fait aujourd'hui partie du Groupe tactique d'intervention, «où il faut agir avec beaucoup de réflexion». «Est-ce qu'il est au bon endroit? Moi je pose la question et j'ai un bon doute sur la réponse qu'on devrait donner: non, il n'est pas au bon endroit», a-t-il conclu.

Me Arsenault a poussé plus loin, en s'adressant indirectement au Service de police de la ville de Montréal au sujet du policier Lapointe. «Est-ce que je dois maintenir ce policier-là en fonction? Est-ce que je dois toujours lui donner une arme à feu?» a demandé l'avocat.

Me Arsenault souhaite que le futur Bureau des enquêtes indépendantes voit effectivement le jour à l'automne 2014. Celui-ci devrait enquêter sur des interventions policières.

Quant à Me Georges-Louis, il a précisé que la poursuite au civil qui avait été suspendue le temps de l'enquête du coroner serait réactivée «à la lumière du rapport et de la crédibilité qui est grandement entachée de M. Lapointe quant au récit le jour des événements».

«Nous croyons que M. Lapointe, il a mal agi dans les circonstances et que sa perception était totalement fausse», a opiné l'avocat de la famille Villanueva.

Pour ce qui est du dépôt d'une poursuite au criminel sur une base privée contre l'agent Lapointe, l'action est plutôt rare, mais elle est possible, a précisé Me Georges-Louis.

Autres réactions

De son côté, le directeur du Service de police de la ville de Montréal, Marc Parent, a réitéré sa confiance envers ses policiers. Il a rappelé qu'il ne peut savoir lui non plus ce qui est passé par la tête du policier qui a tiré ce jour-là. «A-t-il réellement eu peur ou non, je ne peux me mettre dans la peau du policier», a-t-il dit.

Le chef du service de police «a l'intention d'appliquer» les quatre recommandations qui sont adressées à son service. D'ailleurs, depuis les événements, des modifications ont déjà été apportées, notamment au plan des relations avec les communautés culturelles, a-t-il souligné.

Pour ce qui est du fait que les policiers n'aient pas été isolés l'un de l'autre, comme c'aurait dû être fait, M. Parent assure qu'il «en prend acte de façon très sérieuse». Depuis, affirme-t-il, l'escouade des crimes majeurs qui se déplace sur les lieux est beaucoup «plus sensible» au respect de critères comme l'isolement et de la production de rapports sans trop de délais.

Le ministre de la Sécurité publique, Stéphane Bergeron, a pour sa part l'intention d'améliorer les interventions policières, notamment en ce qui a trait à l'emploi de la force. Il a déjà demandé à l'École nationale de police de donner suite aux recommandations qui lui sont adressées.

Le ministre Bergeron a rappelé que la mise en place du Bureau des enquêtes indépendantes est déjà «en cours». L'appel de candidatures en vue de l'embauche du directeur du Bureau sera d'ailleurs lancé le printemps prochain, a-t-il fait savoir.

De son côté, le syndicat des policiers a salué le rapport «nuancé» du coroner et a préféré l'évaluer plus longuement avant de le commenter plus à fond. Le président de la Fraternité des policières et policiers de Montréal, Yves Francoeur, a tout de même souligné le fait qu'«assumer le rôle de policier à Montréal demeurera toujours un défi majeur et que les hommes et les femmes qui s'y consacrent veulent avant tout servir le public».

Le maire de Montréal, Denis Coderre, a souligné que «des changements draconiens» avaient été apportés depuis les événements de 2008, particulièrement grâce aux groupes sociaux et communautaires très actifs dans le quartier multiethnique de Montréal-Nord.

De même, le maire a relevé les recommandations du coroner qui ont trait à la formation des policiers et à l'éducation des jeunes.

M. Coderre a aussi souligné le besoin d'accentuer la lutte contre la pauvreté et de favoriser l'intégration et une meilleure compréhension mutuelle par le biais d'une plus grande «mixité sociale».