Est-ce que le chien guide d'un accusé pourrait lui permettre d'éviter la prison ? C'est une question à laquelle le juge Gilles Cadieux de la Cour du Québec devra réfléchir lorsque viendra le temps de condamner Angelo Cecere, surnommé la taupe de la GRC, qui a plaidé coupable à des accusations d'abus de confiance et de divulgation de renseignements.

C'était les représentations sur sentence ce matin de l'homme de 60 ans et à la toute fin de sa plaidoirie, son avocat, Me Daniel Rock, a sorti un lapin de son chapeau qui a paru surprendre la procureure de la Couronne, Me Lyne Décarie, qui demande une peine de prison ferme pour le sexagénaire.

«M. Cecere a un chien guide qui provient d'un organisme américain depuis un an. Un tel chien ne peut pas changer de maître et ne peut pas suivre ce dernier en prison. Je ne crois pas que la Cour peut évacuer ça», a déclaré Me Rock, qui suggère une peine de 12 mois de prison à être purgée dans la collectivité pour son client.

Piégé par ses collègues

Angelo Cecere, qui est presque aveugle, a travaillé à la GRC durant 26 ans comme employé civil. Il écoutait, traduisait et interprétait les conversations en italien captées durant plusieurs projets d'enquête, dont Colisée, dans un département très sensible de la police fédérale appelée Section I.

En 2007, les enquêteurs ont eu vent qu'un membre de la GRC renseignait la mafia. Ils ont ciblé Cecere et ont créé de toutes pièces un faux projet d'enquête baptisé Cheveux. Ils ont ensuite convoqué Cecere à une réunion durant laquelle ils lui ont remis un organigramme de l'organisation visée. Le jour même, alors qu'il était filmé et écouté à son insu, Cecere a téléphoné à l'un de ses fils et lui a demandé de venir le voir chez lui, «avec son ami». La nuit suivante, les policiers ont interpellé Nicola Di Marco, un individu lié à la mafia, alors qu'il sortait de chez Angelo Cecere. Ils ont trouvé des documents sur lui ainsi que dans l'ordinateur de l'employé civil de la GRC qui a été immédiatement arrêté.

Mercredi matin, Me Décarie de la Couronne a indiqué que l'organigramme du faux projet Cheveux a été retrouvé chez Cecere, de même que des cartes vierges de la GRC, des documents ayant trait à certains projets d'enquête et une disquette contenant les transcriptions de près de 500 conversations captées durant une douzaine de projets menés entre 1993 et 2007, et dont certains sont toujours ouverts.

«Ils n'avaient pas le droit de sortir des documents. Il travaillait dans l'un des endroits les plus sécurisés de la GRC, avait une cote de sécurité très secrète et oeuvrait dans un milieu sensible tous les jours», a fait valoir l'avocate, en réclamant une peine provinciale d'emprisonnement variant de 12 mois à deux ans moins un jour.

De son côté, Me Rock a justifié la présence de documents «disparates» chez Cecere par le fait que ce dernier avait déjà manifesté à ses patrons l'idée d'écrire un livre. L'avocat a également élaboré sur la maladie dégénérative qui affecte de plus en plus la vue de son client et l'aide qu'il apporte à l'un de ses proches aux prises avec des problèmes de toxicomanie pour tenter de convaincre le juge Cadieux de lui imposer une peine dans la communauté.

Le magistrat rendra sa décision à la fin du mois.