Lorsque La Presse a tenté de la joindre au téléphone, Lise Hudon n'a pas répondu tout de suite. Elle ne reconnaissait pas le numéro sur l'afficheur.

Après quelques jours, elle a finalement décroché le récepteur. Dès qu'elle a reconnu son interlocutrice, la femme de 54 ans, qui vit seule, s'est ouverte. Pendant plus de deux heures.

Lise Hudon est la mère de Francis Proulx, l'auteur de l'un des crimes les plus sordides commis dans les dernières années au Québec. En mai 2008, le jeune homme a abattu puis violé Nancy Michaud, mère de deux enfants qui habitait tout près de chez lui, à Rivière-Ouelle, dans le Bas-Saint-Laurent. Il a été condamné à la prison à perpétuité l'année suivante.

Trois jours après l'arrestation de Francis Proulx, La Presse avait rencontré Lise Hudon chez elle, à Saint-Pascal, non loin de Rivière-Ouelle. Les traits tirés, les mains tremblantes, elle avait exprimé son désarroi et demandé pardon à son fils pour les erreurs qu'elle avait pu commettre.

Quatre ans plus tard, Lise Hudon ne semble pas aller mieux. «C'est le pire cauchemar et on a de la misère à se réveiller de ça, dit-elle. On est toujours dans ça. Ça ne finit plus. Ce qui est la cause de ça, c'est Satan, le diable.»

Témoin de Jéhovah depuis plusieurs années, Lise Hudon cherche du soutien dans sa religion. Souvent, pendant la conversation, elle établit des parallèles entre des passages de la Bible et sa propre situation. «Notre histoire, c'est un avant-goût d'Armageddon pour réveiller les gens, dit-elle. C'est le temps de prendre du côté de Yahvé Jéhovah Dieu.»

Elle se raccroche à une chose: la Bible prévoit une fin heureuse à «ceux qui en sont dignes». Francis et elle connaîtront donc, de leur vivant, une fin heureuse. «Si Jéhovah Dieu a permis ça, c'est qu'il y a une raison d'être», dit-elle.

Lise Hudon a déménagé à Cacouna en 2009 pour se rapprocher des témoins de Jéhovah de Rivière-du-Loup. L'an dernier, elle s'est brouillée avec des membres de l'Église. Elle ne la fréquente plus depuis.

Elle n'a plus de contact avec sa mère, ses deux frères et sa soeur. «Je ne suis entourée de personne, résume Mme Hudon, une femme frêle dont les traits rappellent beaucoup ceux de son fils unique. Il y a seulement le CLSC, les services sociaux, le CAB (centre d'action bénévole) et M. Gagné, le livreur de la pharmacie.»

Lise Hudon est suivie par le CLSC depuis 2008. Une intervenante la visite chaque semaine. «Ils sont payés pour aider, alors que Jésus n'était pas payé pour aider, mais je sens profondément qu'ils nous aiment vraiment, Francis et moi, parce qu'ils ne nous ont pas jugés ou méprisés une seule fois.»

Lorsqu'elle parle d'elle-même, Lise Hudon inclut presque systématiquement son fils. La dernière fois qu'elle lui a parlé, c'était au téléphone, à la fin de 2008. Depuis, il ne l'a pas appelée. Il n'a pas répondu à ses lettres non plus. «Je comprends. Pauvre Francis, il ne sait pas comment s'y prendre», soupire-t-elle. Elle se dit qu'il l'appellera quand il sera prêt.

Elle n'est pas allée le visiter au pénitencier de Port-Cartier, sur la Côte-Nord. «J'aimerais y aller, mais personne ne s'est offert, dit-elle. Et c'est impossible. Dans un bateau, je me sentirais étouffée, coincée, et je m'évanouirais.»

Lise Hudon a vu son fils au palais de justice pendant son procès. Elle a aussi croisé le conjoint de Nancy Michaud. «S'ils veulent nous pardonner, tant mieux. Sinon, tant pis. On ne peut forcer personne.»

Malgré l'horreur du geste que son fils a commis, Lise Hudon ne lui en veut pas. «Pourquoi je lui en voudrais, pauvre Francis? demande-t-elle. Ce n'est pas de sa faute.» Dans une entrevue au Soleil, l'été dernier, elle a soutenu que Francis Proulx avait agi «inconsciemment» à cause des antidépresseurs qu'il prenait. C'est ce que la défense avait plaidé au procès.

Proulx s'est adressé à la Cour d'appel, qui a refusé d'entendre sa cause. Son nouvel avocat s'est adressé à la Cour suprême l'été dernier. On attend la réponse.

En attendant le jour où elle pourra «se rapprocher» de son fils, Lise Hudon lit, écrit, fait des casse-tête et marche au bord du fleuve. «Au moins, il y aura une bonne fin, à la grâce de Dieu», répète-t-elle. Pour se convaincre, peut-être.