Par différentes manoeuvres, Tony Accurso rendait l'essentiel de ses dépenses personnelles déductibles d'impôt, selon un document de l'Agence du revenu du Québec. Bateaux, maisons, vêtements griffés, tout était faussement inscrit dans les livres de ses entreprises pour frauder l'impôt.

Mercredi, le tribunal a rendu publics les mandats de perquisition lancés dans la cadre de l'opération de Revenu Québec, au début du mois d'octobre. Une douzaine d'endroits liés au groupe Accurso ont fait l'objet de perquisitions.

L'enquête de Revenu Québec porte sur les années 2003 à 2010. Elle repose essentiellement sur les renseignements obtenus par l'Agence du revenu du Canada, il y a trois ans. Toutefois, Revenu Québec soutient que son enquête porte plus spécifiquement sur des contraventions à la TVQ et à la TPS. De plus, le fisc québécois soutient avoir recensé 179 fournisseurs de fausses factures dans cette affaire, soit 158 de plus que son pendant fédéral.

Accurso parle d'abus

Joint par La Presse, Tony Accurso dit en avoir ras le bol des procédures du fisc québécois. Il veut régler le litige et passer à autre chose. «Revenu Québec fait de l'abus. C'est la même enquête que Revenu Canada. Je veux régler la situation rapidement et tourner la page», a déclaré M. Accurso à La Presse au cours d'un entretien téléphonique.

Le résumé de l'enquête de l'Agence du revenu du Québec tient dans une déclaration écrite de Philippe Rousselle, enquêteur principal au dossier. Le document caviardé fait 116 pages.

On y apprend que des millions de dollars de dépenses personnelles d'Antonio Accurso, entre 2003 et 2010, étaient inscrits dans les livres du groupe Accurso, notamment Louisbourg et Simard-Beaudry. De ce fait, ces dépenses devenaient déductibles d'impôt et exemptes de TPS et de TVQ.

Des fournisseurs racontent aux enquêteurs de Revenu Québec avoir produit de fausses factures à la demande de M. Accurso lui-même ou de son comptable, dont le nom n'est pas mentionné.

Par exemple, entre 2006 et 2010, Tony Accurso a rénové sa maison de Deux-Montagnes en utilisant les comptes de Simard-Beaudry, selon Revenu Québec. Pour ce faire, il a notamment demandé à l'ébéniste Luc Laramée et à la designer Danielle Vigneault d'inscrire de fausses justifications sur les factures. Luc Laramée a d'ailleurs déclaré à l'enquêteur de Revenu Québec que «la description des services lui était fournie par Antonio Accurso».

La maison et les deux condos de ses trois enfants ont également été rénovés aux frais des contribuables. Des factures avec des justifications sans rapport avec les travaux ont été inscrites aux livres des entreprises du groupe. Danielle Vigneault «nous a confirmé ne jamais avoir travaillé sur les projets mentionnés sur ces factures, soit les Cours Michell, Benny Farm, McGill Loft [...]», écrit Revenu Québec.

Même manège pour le fameux bateau Le Touch, qui a accueilli de nombreuses personnalités publiques, ainsi que pour un speedboat. Selon le fisc, des rénovations sur ces bateaux totalisant 7,4 millions de dollars ont été inscrites aux livres du groupe Accurso et déduites d'impôt, alors qu'elles auraient dû figurer comme dépenses personnelles.

Bijoux et vêtements

Même les bijoux et les vêtements étaient passés dans les comptes des entreprises. Les Ogilvy, Maison La Cornue et autre Boutique Uomo Moda, de Montréal ont facturé des centaines de milliers de dollars de vêtements et d'accessoires de la famille Accurso au compte des entreprises. L'homme d'affaires utilisait essentiellement sa carte American Express pour ce faire.

Par exemple, les relevés de la carte indiquent des dépenses de vêtements totalisant 140 824$ à la boutique Zili Canada entre novembre 2007 et mai 2008. Dans le cas d'Ogilvy, la facture s'élève à 17 986$ pour à peu près la même période.

Selon Revenu Québec, Tony Accurso est un client régulier de l'hôtel Hilton de Laval, où il dépense des dizaines de milliers de dollars par année. À la demande du fisc, la direction de l'hôtel a notamment compilé «139 nuitées comprenant divers services facturés à la chambre» entre septembre 2007 et septembre 2008.

Le fisc a déposé la déclaration de 116 pages devant un juge pour obtenir l'autorisation de perquisitionner dans une douzaine d'endroits de Montréal, Laval et Saint-Eustache, au début du mois d'octobre.

Plusieurs perquisitions ont eu lieu chez les firmes de professionnels du groupe Accurso, notamment les cabinets comptables Samson Bélair/Deloitte&Touche et Raymond Chabot Grant Thornton, au centre-ville de Montréal. Les agents de Revenu Québec ont également perquisitionné à la firme comptable Rubano Scalia, dans l'arrondissement de Saint-Léonard.

Au total, 31 boîtes ont été saisies au cours de ces perquisitions. Le privilège avocat-client a été invoqué pour ces 31 boîtes. Mercredi, le tribunal a nommé l'avocate indépendante Danielle Ferron pour séparer les documents considérés comme protégés par le secret professionnel des autres. Revenu Québec pourra poursuivre son enquête au terme des résultats du tri de cette amie de la cour (amicus curiae).