Avant de sortir pour aller chercher des pâtes, le soir du 23 février 2008, Patrick Deschatelets s'est assuré que sa compagne de jeux sadomasochistes, enchaînée nue dans le sous-sol, était dans une position confortable. Il se réjouissait d'avance de l'effet d'excitation que son absence allait produire sur sa prisonnière consentante. Mais, à son retour, elle ne respirait plus.

C'est ce qui ressort du témoignage que M. Deschatelets a livré ce matin, à son procès. L'homme de 45 ans est accusé de négligence criminelle et d'homicide involontaire sur celle qui était sa partenaire sexuelle. Ils se connaissaient et s'adonnaient au sadomasochisme ensemble depuis environ trois mois. Mais tous deux avaient connu des expériences du genre avec d'autres partenaires auparavant, selon l'accusé.

Selon les explications de M. Deschatelets, quand il est parti faire sa course, ce fameux soir, Lucie (nom fictif) était nue, debout dans le sous-sol, le cou enserré d'un collier attaché à une chaîne retenue au plafond, les pieds écartés par un écarteur, les mains menottées dans le dos. Elle avait toutefois réussi à sortir sa main droite de la menotte, assure-t-il. Elle n'avait ni bandeau, ni cagoule sur la tête soutient-il.

Lucie avait-elle accepté d'être attachée de la sorte?

Oui, est convaincu l'accusé, car elle avait «réagi de façon normale dans le contexte du jeu». Et puis elle avait acquiescé quand, juste avant de partir, il lui avait demandé si elle était bien.

Il a précisé qu'il avait lui-même déjà expérimenté une telle position dans le passé avec une autre partenaire, quand il avait joué le rôle du dominé au lieu du dominant. Il n'avait jamais eu peur, même quand sa dominatrice s'était absentée de la maison. «Attendre seul attaché crée de l'anticipation, et après, le plaisir est magnifié», a-t-il expliqué ce matin. Il était dans cet était d'esprit quand il s'est absenté pour aller acheter des pâtes au IGA, vers 19 h. «Je me disais: ça va être le fun à mon retour, elle va être excitée.»

En revenant chez lui, il est descendu au sous-sol, et il lui a fallu «une minute» pour comprendre que quelque chose n'allait pas. Lucie était toujours suspendue au bout de la chaîne, mais elle avait les genoux pliés, elle ne bougeait pas et elle avait les yeux ouverts. Il s'est précipité et a cherché un pouls, sans succès. Il a paniqué, a défait les liens à toute vitesse. «J'ai tout défait, j'ai tout garroché partout.»

Celui qui est pompier de son métier a couché sa compagne par terre et a commencé des manoeuvres de réanimation.  Après un certain moment, Lucie a râlé. Il l'a secouée en disant: «Es-tu là?» Il a pensé qu'elle allait revenir à elle, mais cela ne s'est pas produit. Elle a râlé une autre fois, puis plus rien. Il a appelé le 911.  Il a monté le corps de Lucie au rez-de-chaussée pour attendre les secours, tout en continuant les manoeuvres.

Ambulanciers et policiers sont arrivés. «Je suis en état de panique complet, je suis sur le bord de m'effondrer. Je demande de continuer les manoeuvres», a-t-il relaté, ce matin,

Lucie est morte pendue.

À l'époque, M. Deschatelets ne comprenait pas comment cela avait pu se produire. «Pour moi, une pendaison, ça prenait un noeud coulant», a-t-il dit.

Dans les heures suivantes, M. Deschatelets a été interrogé par les policiers. Il ne leur a pas dit que Lucie avait une main libre lorsqu'il l'a découverte. Il n'y a pas pensé sur le coup, cela lui est revenu par la suite. «C'est une image qui va me rester toute ma vie. Elle avait les yeux ouverts et une main libre», a-t-il juré ce matin.

Le procès, qui se tient devant le juge Claude Provost, se poursuit cet après-midi. L'accusé est défendu par Me Jean-Paul Perron, tandis que Me Marie-Claude Morin représente le ministère public.

Rappelons que l'incident s'est produit dans le domicile de l'accusé, à Saint-Bruno, dans le contexte d'une fin de semaine sadomasochisme où Lucie devait «mériter son collier».