L'heure arrive. L'ex-parrain de la mafia Vito Rizzuto sort finalement de prison ce week-end. Selon ce qu'a appris La Presse, policiers et bandits ont été informés qu'il sera de retour au pays avec une «liste noire» d'au moins trois ennemis. Et avec l'appui d'un nouvel allié de poids, proche des motards et des gangs de rue, qui devrait l'accueillir à bras ouverts.



Pendant qu'il croupissait en prison aux États-Unis pour le meurtre de trois «capos» rebelles de la mafia new-yorkaise, Vito Rizzuto a vu son clan se faire anéantir. L'opération Colisée de la GRC a mis au jourles activités de son organisation en plus d'envoyer à l'ombre certains de ses fidèles.

Plusieurs de ses acolytes ont ensuite été tués, dont son père et son fils. Son beau-frère, consigliere du clan, a été enlevé et n'a plus jamais été revu.

La débandade a été telle que certains l'ont cru fini.

Plusieurs théories ont circulé dans les médias: l'ancien parrain pourrait aller s'établir à Toronto, où sa femme a de la famille, ou encore au Venezuela, où son père s'était enfui dans les années 70.

Mais tant chez les policiers que dans les milieux criminels, plusieurs demeurent convaincus que Vito Rizzuto entretient un désir de vengeance et qu'il va revenir dans la région de Montréal. Et ce, même si sa maison de Cartierville est à vendre et que sa femme a affirmé qu'il n'y habitera plus jamais.

«S'il est vraiment un homme d'honneur, il va revenir ici», indique une source bien informée.

Amis, ennemis

Trois sources fiables ont confirmé qu'au moins trois noms circulent à Montréal, ceux des ennemis de Rizzuto: l'entrepreneur Tony Magi, le gangster d'origine haïtienne Ducarme Joseph ainsi que le magnat de la construction et de la crème glacée italienne Domenico Arcuri. Plusieurs attendent de voir quelle sera son attitude à leur égard.

Mais Vito Rizzuto n'a pas que des ennemis. Depuis déjà quelque temps, des rumeurs circulaient sur un rapprochement avec le caïd Gregory Woolley, seul Noir à avoir été admis dans un club-école des Hells Angels.

Woolley a clarifié les choses au début du mois de septembre, lorsqu'il s'est présenté aux funérailles du Hells Gaétan Comeau en compagnie d'un proche des Rizzuto. Des policiers les ont vus «parader» ensemble dans une ambiance de franche camaraderie qui n'est pas passée inaperçue, selon nos sources.

L'appui de Woolley pèse lourd dans la balance du crime organisé montréalais.

Plusieurs sources ont déjà confirmé que depuis sa sortie de prison, en 2011, Woolley a été chargé par les Hells de mettre de l'ordre dans le milieu des gangs de rue montréalais. Sa mission est d'unifier les gangs pour qu'ils acceptent de placer leur commerce de drogue sous la coupe des motards.

«LE gangster»

Certains ont résisté à ce plan. Au mois d'août dernier, deux des récalcitrants, leaders des gangs d'origine haïtienne, ont été assassinés. Un autre a été gravement blessé.

Sur le boulevard Saint-Laurent, Woolley et ses sbires en mènent large. Des policiers ont même raconté qu'ils avaient du mal à s'approcher de lui, car il est protégé en tout temps par ses troupes.

«Il est en train de devenir LE gangster dans les rues de Montréal», a confié un enquêteur à La Presse.

D'autres acteurs du milieu auraient déjà assuré Vito Rizzuto de leur appui. Sans compter ceux qui se manifesteront seulement si son retour est confirmé, affirment certains.

«Vito a une énorme réputation, comme sa famille. La réputation est très importante. Il a été capable de créer un système où il n'était pas obligé d'user de violence. Plus on évite la violence, plus notre réputation est forte», confie une source très branchée sur la communauté italienne et qui connaît bien le crime organisé.

«Les gens de la communauté italienne parlent toujours de Nicolo Rizzuto, père de Vito, explique cette source. En fin de compte, ils disent qu'il était bon pour la communauté. Il réglait les disputes et aidait tout le monde. C'est ça, le problème. Il s'est créé une réputation d'homme qui aide. Ça lui donne de la légitimité.»

Du côté de la police de Montréal, l'inspecteur en chef Charles Mailloux s'est contenté d'esquisser un demi-sourire lorsque nous l'avons interrogé à ce sujet. «C'est certain que c'est quelque chose que nous allons surveiller», a-t-il laissé tomber, en dirigeant toute question vers la GRC, responsable du dossier, qui n'a pas rappelé La Presse.

- Avec la collaboration de David Santerre