Frédérick Louis assure qu'il n'a jamais été le chauffeur ni le garde du corps de Ducarme Joseph. Et ce n'est pas de gaieté de coeur qu'il a témoigné au procès des auteurs présumés de la fusillade qui a fait deux morts et deux blessés graves, dont lui-même, en mars 2010. Le colosse de 6'3 (1 m92) a été touché par cinq coups de feu, dont deux à la tête.

«Je ne désire pas être ici aujourd'hui», a dit avec impatience M. Louis, lorsqu'il était contre-interrogé par un des avocats de la défense, mercredi matin. Questionné à ce sujet, le témoin a affirmé qu'il voulait mettre cette histoire derrière lui.

M. Louis est le premier témoin appelé à la barre au procès de Carey Isaac Regis, 44 ans, et de Terrel Lloyd Smith, 29 ans, qui se tient à Montréal depuis le début de la semaine. Ces derniers sont accusés de deux meurtres et de deux tentatives de meurtre, survenus le 18 mars 2010.

Ce jour-là, en début d'après-midi, deux hommes sont entrés dans la boutique Flawnego, dans le Vieux-Montréal, propriété de Ducarme Joseph, et ont tiré plusieurs coups de feu sur des gens qui s'y trouvaient. Jean Gaston (oncle du propriétaire) et Peter Christopoulos ont été atteints mortellement, tandis que Frédérick Louis et Alain Gagnon, un électricien qui faisait des travaux dans la boutique, ont été gravement blessés. Ducarme Joseph s'en est tiré.

Les avocats de la défense, Me Franco Schiro et

Me Marion Burelle, ont tenté par divers moyens de faire dire à M. Louis qu'il «travaillait» pour Ducarme Joseph à l'époque en tant que chauffeur et garde du corps. Mais

M. Louis a persisté à dire qu'il n'était qu'un ami. Le jour de la fusillade, M. Louis est allé chercher Ducarme Joseph chez lui, et tous deux se sont rendus à la boutique Flawnego.

M. Louis est sans emploi depuis l'automne 2009. Il soutient qu'il a connu Ducarme Joseph en janvier 2010, deux mois avant l'attentat qui a failli lui coûter la vie. Au moment des faits, il louait un Dodge Charger et conduisait une Cadillac Escalade que Ducarme Joseph lui prêtait. Questionné sur la provenance de son argent, le témoin a dit qu'il avait des «économies».

M. Louis a aussi été interrogé au sujet des omissions qu'il a faites dans sa déclaration à la police, au lendemain des événements. Prétextant un «black out», il n'avait en effet pas mentionné la présence de Ducarme Joseph et de Peter Christopoulos dans la boutique au moment de la fusillade. Le témoin a répliqué que l'interrogatoire policier avait eu lieu 12 heures après les événements. «J'avais 20 trous de balle dans mon manteau. J'étais sous le choc. Tout ce que je pensais, c'était retrouver mon fils et ma mère», a expliqué M. Louis.

La Couronne a ensuite appelé à la barre Christina Churchill, la caissière qui se trouvait dans la boutique lors de la fusillade. La femme de 27 ans s'est montrée peu loquace: pratiquement à chaque question, elle a répondu qu'elle ne se souvenait pas.

«Faites un effort,

Mme Churchill. Avant les coups de feu, qui se trouvait dans la boutique?», a demandé Me Thierry Nadon.

«Je ne sais pas», s'est obstinée à affirmer la jeune femme. Elle a raconté qu'elle s'était couchée par terre quand elle a vu des gens courir dans la boutique, puis qu'il y a eu des coups de feu. Lorsqu'elle s'est relevée, elle a vu des policiers. Elle n'a rien noté de particulier. «Je ne regardais pas dans le magasin», s'est-elle bornée à dire.

«Merci pour votre aide», a lancé Me Nadon, en mettant fin à l'interrogatoire.

«Vous êtes le bienvenu», a rétorqué Mme Churchill.

Le témoin suivant, Alain Bertrand, est l'entrepreneur électricien qui réalisait des travaux dans la boutique. Il affirme avoir vu deux hommes armés et un troisième coiffé d'une cagoule. Mais il ne peut les reconnaître, car des mannequins protégés par du plastique l'empêchaient de bien voir. Son apprenti a été très gravement blessé. «Il avait été tiré. Il était à terre, il gisait dans son sang. Il m'a parlé, j'ai dit: "Bouge pas,  je vais chercher de l'aide"», a raconté M. Bertrand.

Le procès, qui se déroule devant jury, se poursuit jeudi matin.