Emprisonné depuis 14 ans, le criminel sexuel Nick Paccione avoue que son obsession pour les femmes est plus forte que jamais et que ses perversions l'habitent toujours. En liberté, il représenterait un risque très élevé, admet-il.

«Peut-être pas un risque à 100%, mais un risque extraordinairement grand», a reconnu l'homme de 45 ans dans un discours-fleuve qui a duré près d'une heure devant le juge Pierre Labelle, la semaine dernière. «Donnez-moi une couple de sandwichs et des pauses toilette, et je pourrais les fixer [les femmes] toute la journée», a-t-il lancé pour illustrer son voyeurisme, l'une de ses perversions.

Poli, s'exprimant bien et clairement, Paccione a d'abord dit au juge qu'il ne cherchait pas à s'attirer sa clémence. «En tant que délinquant dangereux, je me suis fait à l'idée que je ne sortirai peut-être jamais de prison, du moins pas avant longtemps», a-t-il dit.

Pendant cette heure, Paccione a parlé de lui, de son parcours, de ses liens avec feu Angelo Colalillo et Marlène Chalfoun, de ses états d'âme, de son inspiration pour l'écriture, des deux parties de sa personnalité. «Il y a une partie de moi qui est bonne, qui veut désespérément être bonne et bien faire.» Mais il admet qu'il y a aussi «l'autre Nick, celui que la communauté connaît pour [ses] terribles crimes et [ses] écrits à Angelo Colalillo et Marlène Chalfoun», a-t-il dit.

À l'instar des psychiatres qui l'ont évalué, Paccione admet qu'il a à peu près toutes les perversions sexuelles (voyeurisme, frottage, sadisme, masochisme...). Elles lui procurent un sentiment de puissance. C'est comme une drogue, dit-il. Il pense qu'au lieu de le dégoûter, les thérapies d'aversion que les psychiatres lui ont fait subir au pénitencier de La Macaza, avant 1998, ont renforcé ses perversions. L'odeur d'ammoniac et de viande pourrie qu'on lui envoyait lorsqu'il était sexuellement excité par des scénarios de violence sexuelle qu'on lui présentait n'avait pas d'effet. Au contraire, ce régime quotidien de scénarios encore pires que ce que lui-même imaginait a exacerbé ses problèmes, croit-il.

Il compare son cas à celui du personnage du film L'Orange mécanique, de Stanley Kubrick. «La thérapie d'aversion n'a pas aidé le personnage, et elle ne m'a pas aidé moi non plus.»

Combattre une dépendance

Paccione parle aussi de ses aspirations à devenir écrivain et des études qu'il fait en prison. Il dit s'intéresser à la politique, à la société et à la justice sociale. Et malgré son comportement, il se dit en accord avec les féministes qui dénoncent l'utilisation de la femme comme objet au service des hommes. Il soutient par ailleurs que lui-même n'a jamais violé ni blessé ses victimes, au sens technique du terme, même s'il reconnaît qu'il leur a fait du mal. Il a hésité avant de plaider coupable pour les lettres, car il soutient que, dans son cas, c'était juste de la «boucane».

Malgré ses problèmes, il considère qu'il change. Dans les six derniers mois, il dit avoir réalisé que, en écrivant qu'il viole, bat et tue des femmes, ce n'est pas elles qu'il veut détruire, mais son «obsession» pour elles. Il signale qu'une fois son dossier judiciaire réglé, il devrait aller à l'Institut Philippe-Pinel pour y être traité. Il a bien hâte.

Paccione a voulu envoyer un message à ceux qui, comme lui, doivent combattre une «dépendance», que ce soit la drogue, le sexe ou le jeu. Il conseille d'en parler à quelqu'un de confiance. Son autre message s'adressait à ceux qui déplorent l'aide qui est apportée aux délinquants plutôt qu'aux victimes. «En aidant les délinquants, on sauve des victimes», a-t-il dit.

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Dates chanières

1990

Nick Paccione écope de quatre ans de pénitencier pour les agressions sexuelles de plusieurs jeunes filles. À peine remis en liberté, il récidive et retourne en prison pour trois autres années.

Début 1998

Paccione sort de prison et récidive cinq mois plus tard en s'en prenant à une voisine. Il retourne en prison et n'en ressort plus.

Août 2000

Il est déclaré délinquant dangereux.

Août 2002

Les autorités du pénitencier de Port-Cartier découvrent de la pornographie dans le courrier que Paccione échange avec un certain Angelo Colalillo. Ils se mettent à examiner l'abondant courrier qu'il reçoit et envoie. L'enquête démontre qu'une femme lui écrit aussi. Il s'agit de Marlène Chalfoun.

Octobre 2002

Colalillo et Chalfoun sont arrêtés. Au fil de l'enquête, Colalillo est accusé de trois meurtres, d'une tentative de meurtre, d'enlèvement et d'agression sexuelle sur cinq victimes.

2003

Accusée d'avoir incité Colalillo à agresser des personnes qu'elle a ciblées dans ses lettres, Marlène Chalfoun est acquittée au terme de son procès.

Janvier 2006

Colalillo se suicide deux jours avant son procès. Certaines des lettres sont si abjectes qu'une partie d'entre elles est mise sous scellés. Dans ces lettres, Colalillo donnait des détails sur les meurtres qu'il avait commis, notamment celui de Jessica Grimard, 14 ans, qui a été tuée en mai 2002 à Rivière-des-Prairies. Il avait aussi tué Christine Speich, une adolescente de 12 ans, en février 1993 à Montréal-Nord, et Anna Lisa Cefali, 20 ans, en avril de la même année, à Rivière-des-Prairies.

2010

Paccione plaide coupable à l'accusation d'avoir envoyé des lettres à Colalillo en 2002.

Septembre 2012

Paccione s'apprête à recevoir sa peine.