Quand, du fond de sa prison de Port-Cartier, le délinquant dangereux Nick Paccione se délectait des récits de viols et de meurtres qu'il échangeait avec le tueur en série Angelo Colalillo et l'agente de probation Marlène Chalfoun, il ne savait plus vraiment distinguer la réalité de la fiction.

«Aussi malade que cela pouvait être, pour la majeure partie, c'était juste de la fiction. Mais avec le temps, la ligne entre la réalité et les fantasmes est devenue si embrouillée que même moi, je ne savais plus ce qui était vrai. J'essayais de convaincre Marlène qu'Angelo faisait ces choses, et j'essayais de convaincre Angelo que Marlène était capable de faire ces choses. Mais dans le fond, je ne pensais pas réellement que ces actes indicibles étaient commis, en particulier les meurtres.»

C'est, en résumé, ce que Nick Paccione a expliqué la semaine dernière, lors des plaidoiries sur la peine à lui imposer, devant le juge Pierre Labelle. En 2010, Paccione a plaidé coupable à des accusations d'avoir incité le tueur en série Colalillo à poursuivre ses crimes, dans une sinistre correspondance avec lui, entre mai et septembre 2002. La semaine dernière, Paccione a aussi plaidé coupable à une accusation d'avoir, lors de l'un de ses brefs séjours à la prison de Rivière-des-Prairies, en 2007, écrit des obscénités et des menaces sur le mur d'une cellule. Il doit maintenant recevoir sa peine pour ces deux affaires.

Paccione est le dernier membre du trio à être jugé. Dans son cas, rien ne pressait puisque, avec l'étiquette de délinquant dangereux qu'il porte depuis l'an 2000, il purge une peine sans limite de temps.

Jugés un à la fois

Quand l'affaire des lettres a éclaté au grand jour, en 2002, les autorités avaient décidé de juger d'abord Marlène Chalfoun, agente de probation de la cour municipale, qui avait entretenu pendant des années une correspondance à connotation sexuelle et sadomasochiste avec le criminel Paccione lorsqu'il était en prison. Au fil des lettres, à l'été 2002, Paccione a mis Mme Chalfoun en contact avec Colalillo, un ex-compagnon de détention avec qui lui-même correspondait. Mais voilà, Colalillo, qui était en liberté, agressait et tuait pour vrai, lui. Les deux hommes se réjouissaient à l'idée d'avoir une femme avec eux pour attirer les «agneaux.» Selon ses récits, Mme Chalfoun semblait sur la même longueur d'onde.

Mme Chalfoun a rencontré le tueur Colalillo à deux reprises, en 2002. La dernière fois, en octobre, il était filé par la police et tous deux ont été arrêtés. Accusée d'avoir incité Colalillo à agresser une femme de sa connaissance, Marlène Chalfoun a été acquittée au terme de son procès, en 2003, après avoir réussi à convaincre le tribunal que, dans son cas, ses lettres ne décrivaient que des fantasmes.

Angelo Colalillo, lui, s'est suicidé en prison en janvier 2006, deux jours avant le début de son procès. Il allait être jugé pour les meurtres de deux adolescentes et d'une jeune femme. On lui imputait aussi une tentative de meurtre sur une étudiante, commise en septembre 2002, et un enlèvement avec agression sexuelle sur une autre, en juillet de la même année.

Dix ans après la mise au jour de cette renversante affaire, il reste le cas de Paccione à régler. Même s'il est en prison pour une période indéterminée, son dossier est révisé régulièrement, et sa libération, bien que peu probable, est toujours possible. Le ministère public trouvait que, pour donner un portrait le plus complet possible à la Commission des libérations conditionnelles, il était important que les actes criminels qu'il avait commis pendant sa détention soient judiciarisés.

Le procureur de la Couronne Louis Bouthillier n'a pas proposé de peine précise. Selon lui, Paccione savait très bien qu'il s'adressait à un homme très dangereux quand il lui écrivait.

Me Loris Cavaliere a insisté pour sa part sur la transparence de son client, sur ses progrès et sur le fait qu'il veut régler ses problèmes.

À moins d'imprévu, le juge Labelle rendra sa décision le 21 septembre.