Alors qu'une tentative d'unir les gangs de rue montréalais dans le giron des Hells Angels a été ponctuée de sanglants attentats la semaine dernière, une autre restructuration est parallèlement en cours dans le milieu des clubs de motards. Partout en province, des partisans des «anges de l'enfer» se joignent à un nouveau club qui grossit rapidement.

Selon nos sources, la Sûreté du Québec (SQ), qui a arrêté pratiquement tous les Hells du Québec dans le cadre de l'opération SharQc, en 2009, observe de loin la consolidation d'une certaine relève au sein des Dark Soul's, considérés comme un club-école de la puissante organisation criminelle.

Autrefois présents seulement à Montréal, les Dark Soul's comptent depuis peu plusieurs «chapitres» au Québec, notamment en Outaouais et sur la rive sud de la région de Québec. La section de l'Outaouais aurait été officiellement fondée au début du mois d'août.

Un club «Dark Soul's Nomads» a aussi été créé. Dans le jargon des motards criminels, ces clubs sans attache territoriale sont considérés comme l'élite. Pendant la guerre des motards des années 90, les Nomads de Maurice Boucher étaient au front contre les ennemis des Hells.

Le logo des Dark Soul's est identique à celui des Black Mask, un autre club proche des Hells Angels dans la région de Québec, ce qui laisse croire que les deux groupes ont fusionné. Déjà, en juin, Le Soleil a signalé que les Black Mask étaient en pourparlers pour s'unir à d'autres motards au Saguenay, à Drummondville, à Montréal et à Trois-Rivières.

«Depuis SharQc, il y a une multitude de patches en province, pas tous liés à des groupes criminels. Et il y en a des plus sérieux, qui tentent de se regrouper», explique une source policière.

Rassemblement à Longueuil

Les nouveaux Dark Soul's ont montré fièrement leurs couleurs samedi au Thunderbike 2012, un rassemblement d'amateurs de Harley-Davidson organisé par le bar de danseuses Downtown dans un motel du boulevard Taschereau, à Longueuil. Plusieurs d'entre eux portaient des vêtements et des accessoires montrant leur «soutien» aux Hells Angels Nomads de l'Ontario.

Quelques membres en règle des Hells ontariens étaient aussi présents.

Les Nomads de l'Ontario comptent dans leurs rangs beaucoup de Québécois d'origine. Un enquêteur spécialisé de la SQ a confirmé récemment devant un tribunal qu'ils se font plus présents au Québec depuis peu pour préserver les intérêts de l'organisation et combler le vide laissé par l'arrestation de leurs «frères» des bandes québécoises.

Mais ils ont aussi besoin de main-d'oeuvre sur le terrain, qu'ils peuvent recruter dans des clubs subalternes de partisans, comme les Dark Soul's.

En juillet, un membre des Dark Soul's et un des Nomads de l'Ontario ont d'ailleurs été arrêtés en Mauricie pour avoir tenté d'extorquer une somme importante à un homme d'affaires. Pour reprendre leur liberté dans l'attente de leur procès, ils ont dû s'engager à ne plus entrer en contact avec des membres ou sympathisants des Hells Angels ou des Dark Soul's.

Selon ce qui filtre du milieu, les Hells souhaitent «mettre de l'ordre» dans la relève des motards en organisant de façon plus structurée les clubs disséminés partout sur le territoire. Le projet ne serait pas si nouveau. Déjà, en décembre dernier, le Journal de Montréal a fait état d'un rassemblement de la relève des Hells, auquel participaient une soixantaine d'aspirants québécois et trois membres en règle des Nomads de l'Ontario.

L'initiative n'est pas sans rappeler la récente tentative d'unification des gangs de rue montréalais à prédominance haïtienne. La Presse a révélé la semaine dernière que Gregory Woolley, seul Noir à avoir été admis dans l'organisation des Hells Angels, aurait décrété que tous les gangs seraient maintenant obligés de travailler ensemble dans le trafic de drogue, sous son autorité et, par conséquent, sous le parapluie des motards. Deux leaders récalcitrants ont été tués dans la foulée de ce «décret».

La Presse a demandé hier une entrevue à des représentants des Dark Soul's, sans obtenir de réponse.