Deux citoyens canadiens figurent sur la liste des 10 criminels de guerre nazis les plus recherchés au monde établie par le centre Simon Wiesenthal. Mais le directeur de son bureau de Jérusalem, l'historien et «chasseur de nazis» Efraim Zuroff, craint qu'ils ne finissent leurs jours sans jamais être traduits en justice pour leur participation présumée aux atrocités de la Seconde Guerre mondiale.

«C'est ce que je crains, dit M. Zuroff. Je prie pour que leurs dossiers soient traités. Mais le Canada a un historique terrible pour ce qui est d'amener les criminels de guerre devant les tribunaux. Ou plutôt, de ne jamais les amener devant les tribunaux.»

Depuis 1995, le centre Simon Wiesenthal a identifié au moins 16 criminels de guerre nazis qui ont immigré au Canada après la guerre. Neuf d'entre eux sont morts au cours du processus pour révoquer leur citoyenneté. Ladislaus Csizsik-Csatary, retrouvé en Hongrie par des journalistes britanniques, est l'un des deux Canadiens à avoir quitté le pays de son propre gré.

Vladimir Katriuk, 91 ans, et Helmut Oberlander, 88 ans, qui figurent sur la plus récente liste publiée par le centre Simon Wiesenthal, vivent toujours ici.

En 17 ans, aucun homme soupçonné d'être un criminel de guerre nazi n'a été déchu de sa citoyenneté canadienne et renvoyé vers l'Europe.

Escadron de la mort

Pendant la guerre, Helmut Oberlander, né en Ukraine, a été auxiliaire d'un escadron de la mort nazi, l'Einsatzkommando 10a (EK 10a). Cette équipe faisait partie de groupes spéciaux de police qui, dans les territoires de l'Est occupés par l'armée allemande entre 1941 et 1944, ont été responsables de l'exécution de plus de 2 millions de personnes.

Depuis plus de 15 ans, le Canada tente de révoquer la citoyenneté de M. Oberlander, qui avait caché son appartenance à l'escadron lors de son arrivée au pays. Mais M. Oberlander vit toujours en Ontario.

«Pourquoi cela prend-il autant de temps? Tout simplement parce qu'il y a moins de volonté politique qu'aux États-Unis», déplore Efraim Zuroff.

Selon l'avocat du B'nai Brith, Steven Slimovitch, la traque de criminels de guerre n'a jamais beaucoup suscité l'intérêt des autorités canadiennes.

«Il existe une lacune politique pour les dénaturaliser. On dit qu'on veut le faire, mais est-ce qu'on monte une équipe pour faire bouger les dossiers?», demande-t-il, sceptique, en faisant référence aux 17 années de démarches pour expulser Léon Mugesera, idéologue présumé du génocide du Rwanda.

«Le gouvernement en a marre»

Vladimir Katriuk, qui vit avec sa femme dans une ferme d'Ormstown, en Montérégie, ne sera jamais expulsé, assure son avocat, Orest Rudzik.

«Le gouvernement n'a pas assez de preuves», dit-il.

D'origine ukrainienne, M. Katriuk a été enrôlé dans un bataillon sous commandement allemand pendant la guerre. Mais il soutient n'avoir jamais participé à une action militaire et s'être joint à la résistance après son déploiement en France aux côtés de l'armée allemande, en 1944.

Mais une recherche universitaire de la revue Holocaust and Genocide Studies a apporté au printemps de nouveaux témoignages sur la participation active de M. Katriuk au massacre de civils à Katyn. Selon le National Post, le B'nai Brith a rencontré le gouvernement pour lui demander de rouvrir le dossier de M. Katriuk.

«Nous n'avons jamais eu de nouvelles, répond M. Rudzik. Mon sentiment, c'est que le gouvernement en a marre [de ces dossiers].»

M. Katriuk, qui a travaillé dans un abattoir de Montréal jusqu'à sa retraite et s'est converti à l'apiculture, a été rendu «nerveux» par plus d'une décennie de processus avec le gouvernement fédéral. Il ne souhaite pas s'expliquer publiquement.

«Le gouvernement s'engage à traduire en justice les personnes impliquées dans des crimes de guerre, crimes contre l'humanité et génocides. Nous révoquerons la citoyenneté des individus qui l'ont obtenue frauduleusement, pour assurer que le Canada ne soit pas un refuge pour les criminels de guerre», affirme de son côté Alexis Pavlich, porte-parole du ministre de l'Immigration, Jason Kenney.

Le Canada a renvoyé 17 criminels de guerre au cours de la dernière année, et plus de 500 depuis 1997, selon l'Agence des services frontaliers.

Photo La Presse Canadienne

Vladimir Katriuk