Internet aura longtemps été une zone vague pour les autorités juridiques et les experts en vie privée au Canada, mais une récente note Facebook mise en ligne avant la fusillade meurtrière survenue la semaine dernière en Alberta pourrait bien changer la donne.

Plusieurs jours avant que trois gardiens de sécurité armés ne soient tués et un quatrième grièvement blessé pendant le dépôt d'argent dans un guichet automatique de l'Université de l'Alberta, une note controversée a été publiée sur le compte Facebook d'un individu, dont le nom est le même que celui du suspect numéro derrière cette attaque.

Travis Baumgartner, un employé de la compagnie G4S, a écrit sur Facebook le 1er juin qu'il se demandait s'il ferait la une du téléjournal en se mettant à abattre des gens. Moins de deux semaines plus tard, une fusillade a fauché la vie de gardiens de sécurité de cette même compagnie.

Le jeune homme de 21 ans fait face à plusieurs chefs d'accusation de meurtre prémédité, de tentative de meurtre et de vol d'arme à feu.

On ignore encore s'il plaidera ou non coupable relativement à ces accusations.

Dans les jours suivant son arrestation, à la frontière entre la Colombie-Britannique et les États-Unis, le débat sur la vie privée des Internautes avait culminé à de nouveaux sommets.

Plusieurs voix se sont élevées pour demander aux employeurs de garder un oeil sur les activités en ligne de leur personnel, tandis que d'autres ont argué que le cas Baumgartner était un danger face à une surveillance en ligne accrue, compromettant du même coup les libertés individuelles.

Mais ceux qui se tournent vers les lois canadiennes pour faire la lumière dans le dossier risquent d'être déçus, avance l'avocate spécialisée en relations de travail du cabinet Fasken Martineau, Karen Sargeant.

Les lois régissant le Code du travail et la vie privée changent d'une province à l'autre, a-t-elle fait valoir. Et le système judiciaire du Canada a davantage l'habitude de prioriser la vie privée des employés face à leur employeur. Me Sargeant ajoute que la plupart des législations canadiennes ne permettent pas aux entreprises de prendre des mesures par rapport à des propos tenus en ligne ne concernant pas le lieu de travail. L'affaire Baumgartner illustre toutefois clairement pourquoi il faudrait parfois déroger à cette règle, soutient Me Sargeant.

«Personnellement, je pense que ça n'a aucun sens. Si un employeur avait été au courant de quelque chose comme ça, il aurait fait preuve de négligence en ne disant rien», a-t-elle affirmé.

Les défenseurs de la vie privée affirment toutefois qu'il y a là un danger. Avner Levin, le directeur de l'Institut sur la vie privée et le cybercrime de l'université Ryerson, affirme qu'il est crucial de maintenir les frontières entre les vies professionnelle et personnelle des travailleurs.

La surveillance des profils personnels permettrait à des tierces parties de s'introduire dans des secteurs qui devraient demeurer privés, a-t-il soutenu.

«Il y a sans doute un nombre horrifiant d'employés qui tiennent des propos pouvant être qualifiés d'inquiétants ou de perturbants, et avec du recul, tout est correct. C'est très difficile de dessiner la limite à ne pas franchir», a déclaré M. Levin.