Le cerveau derrière le stratagème fiscal du groupe Accurso est la firme comptable Samson Bélair Deloitte&Touche. Or, aujourd'hui, avec les nouvelles règles, la firme pourrait être passible d'une pénalité de 5,6 millions de dollars si elle prodiguait les mêmes services à ses clients, a constaté La Presse.

Le stratagème du groupe Accurso pour économiser 45 millions de dollars en impôts a été structuré en 2008. Il a été ficelé dans les moindres détails par trois fiscalistes de Samson Bélair, indique un document obtenu récemment par La Presse.

Le stratagème est considéré par plusieurs comme un cas d'évitement fiscal abusif, parce qu'il bafoue l'esprit de la loi de l'impôt, bien qu'il en respecte la lettre.

L'évitement fiscal abusif est interdit par le fisc depuis plusieurs années. Toutefois, à l'automne 2009, de nouvelles règles sévères sont venues encadrer ces planifications fiscales. Depuis, les contribuables doivent faire une déclaration préventive à Revenu Québec s'ils structurent une transaction qui pourrait être considérée comme de l'évitement fiscal. S'ils omettent de le faire, des pénalités très salées sont prévues.

En cas d'omission, la pénalité équivaut à 25% de l'avantage fiscal pour le contribuable et à 12,5% pour le fiscaliste promoteur. Par exemple, si le stratagème Accurso avait été structuré après 2009 et que les tribunaux avaient conclu à un cas d'évitement fiscal, la pénalité se serait élevée à 11,25 millions pour le groupe Accurso. Samson Bélair aurait aussi pu se voir imposer une pénalité de 5,6 millions selon certaines conditions.

Certes, la nouvelle loi ne s'applique pas aux stratagèmes structurés avant l'automne 2009, et les deux organisations ne seront donc pas soumises à ces pénalités. Il reste que les nouvelles dispositions de l'Agence du revenu du Québec constituent une nouvelle arme redoutable entre les mains du gouvernement.

Pour qu'une pénalité soit perçue, il faut qu'une transaction d'évitement soit faite essentiellement à des fins fiscales plutôt que commerciales. Elle doit être bloquée en vertu de la Règle générale anti-évitement (RGAE).

Dans le cas du groupe Accurso, le stratagème a été mis en place avec l'achat d'une PME qui avait d'énormes pertes fiscales en 2008. Ces pertes servent à réduire les profits du groupe et, par conséquent, les impôts à payer. De nombreux fiscalistes considèrent qu'il s'agit d'un cas d'évitement fiscal abusif, puisque l'entreprise acquise, Réseaux Simpler, oeuvrait dans le secteur des télécommunications, bien différent de celui de la construction.

Simpler appartenait en partie au Fonds de solidarité FTQ. Le Fonds FTQ a accepté 300 000$ pour ne pas contester la transaction, a récemment révélé La Presse. Autrement dit, l'institution, dont les actionnaires bénéficient d'avantages fiscaux de 200 millions par année des gouvernements, a cautionné le stratagème qui pourrait priver le fisc de 45 millions.

Également vérificateur comptable

Samson Bélair n'est pas seulement le conseiller fiscal du groupe Accurso. La firme agit aussi comme vérificateur comptable externe de l'organisation. Entre 2003 et 2008, c'est Samson Bélair qui a attesté de la véracité des états financiers de Simard Beaudry Construction et de Construction Louisbourg.

Ces deux entreprises du groupe Accurso ont plaidé coupable d'avoir frauduleusement déduit des dépenses totalisant 18,9 millions de dollars entre 2003 et 2008 - dont la moitié étaient de fausses factures. Ces fausses déductions leur ont procuré un avantage fiscal de 4 millions au fédéral.

Précisons que pour approuver les états financiers, les firmes de vérification comme Samson Bélair procèdent par échantillonnage. Elles ne vérifient donc qu'une partie de l'ensemble des documents pour tirer leurs conclusions. Les fausses dépenses de 18,9 millions correspondent à environ 8% des revenus du groupe Accurso.

Samson Bélair n'a pas voulu commenter le dossier, invoquant des engagements de confidentialité envers ses clients.