Après l'AVC qui l'avait laissée paralysée du côté droit, Marie-Nicole Rainville a dit, un jour, qu'elle voudrait «avoir une feuille pour lui expliquer comment mourir.»

C'est ce que la petite-fille de la défunte, Anne-Sophie Morency, a raconté, aujourd'hui, alors qu'elle témoignait en défense au procès de son grand-père, Jacques Delisle. L'homme de 77 ans est accusé du meurtre prémédité de son épouse, morte d'une balle à la tempe, dans leur condo de Sillery, le matin du 12 novembre 2009. Mme Rainville, paralysée et diminuée, était sortie de l'hôpital environ deux semaines auparavant pour rentrer chez elle.

Âgée de 22 ans, Mme Morency a raconté qu'elle avait toujours été près de sa grand-mère, qu'elle considérait d'ailleurs comme une mère. Elle a décrit comme Mme Rainville comme une femme enjouée, fière, toujours bien mise, excellente cuisinière, qui organisait toutes sortes d'activités pour la famille. Selon elles, ses grands-parents étaient unis, il n'y avait pas de «chicane» entre eux, et elle n'a jamais vu M. Delisle élever la voix.

Le 14 avril 2007, Mme Rainville a eu 69 ans. Elle a donné à sa petite-fille un livre de ses recettes, qu'elle avait toutes transcrites à la main. Mme Rainville a fait son AVC dans la nuit du 14 au 15, a précisé la jeune femme. Mme Rainville est restée paralysée du côté droit. Ce n'était plus la même femme par la suite, et elle était déprimée. Celle qui faisait auparavant des sudokus et qui jouerait au bridge et au scrabble ne pouvait plus se concentrer. Elle avait même de la difficulté à parler. «Les mots sortaient difficilement. C'était clair dans sa tête, mais les mots ne sortaient pas. Ça la choquait», a relaté Mme Morency.

À l'été 2009, Mme Rainville s'est fracturé une hanche et a été opérée trois fois. Son état s'est encore détérioré. Mme Morency se souvient d'avoir vu sa grand-mère à l'hôpital après cela: «Elle était maigre, maigre, maigre, elle avait les joues creuses, elle était déprimée, elle avait l'air à souffrir, c'était triste à voir.» Malgré cela, le 11 octobre 2009, Mme Delisle est sortie pour aller à une fête chez sa fille (mère du témoin).  Mme Rainville a tenu à monter des marches elle-même, sans aide, et réussissait à se déplacer seule dans la maison avec sa «marchette.» Mais elle était déprimée, a assuré le témoin. À un certain moment,  elle est allée s'étendre sur le canapé, et n'a pas voulu de dessert. La jeune femme a essayé sans grand succès d'engager la conversation avec sa grand-mère. À la fin de la soirée, la jeune fille dit avoir lancé à sa grand-mère, qui partait: «je t'aime grand-maman.» Celle-ci n'a pas répondu. «C'est la dernière fois que je l'ai vue, a signalé la jeune femme.

Selon le témoin, Jacques Delisle s'est toujours occupé de sa femme de façon exemplaire. «Il était là 24 h sur 24», a fait valoir Mme Morency.

En contre-interrogatoire, le procureur de la Couronne, Steve Magnan, a questionné la jeune femme sur le fait qu'elle n'avait pas beaucoup aidé ou sorti  sa grand-mère, après son AVC.  Elle l'avait sortie une fois pour aller au Costo, avec son fauteuil roulant, et avait trouvé cela épuisant. La jeune femme s'est mise à pleurer, et a répondu qu'à 17 ans, sa grand-mère ce n'est «pas la première chose à laquelle on pense.» Mme Morency a aussi signalé que sa grand-mère tenait à faire ses choses seules.

Me Magnan a enfin fait ressortir que Mme Rainville est allée  en croisière plusieurs fois avec son mari, après son AVC, et qu'elle était contente. «Oui, mais elle était en fauteuil roulant, elle ne pouvait pas se déplacer», a répondu la jeune femme.

À la fin de ce témoignage, c'est l'expert en balistique de la défense, Vassili Swistounoff, qui est revenu  à la barre, pour la suite du contre-interrogatoire amorcé mardi après-midi.