En huit ans au volant d'un taxi à Montréal, il est arrivé «souvent» à Guercy Edmond de voir des clients prendre la fuite sans payer leur course lorsque arrivés à destination. Une fois, l'un d'eux lui a même volé son sac contenant les recettes de la journée, selon sa femme, Yvette Fatal, rencontrée en marge de la comparution de l'homme de 47 ans, lundi.

Le chauffeur de taxi, qui est père de deux adolescents, est atterré par ce qui lui arrive, selon ses proches. Il se perçoit comme une victime. Lorsqu'il a téléphoné à sa famille dimanche, alors qu'il était détenu au poste de police, sa voix était tellement «basse» que sa femme avait de la difficulté à l'entendre.

«Il ne se sentait pas bien. Il m'a dit qu'il avait eu un accident», raconte Mme Fatal, elle-même fortement ébranlée par les accusations criminelles portées contre son mari. À son avocat, Me Yves Vaillancourt, M. Edmond a précisé qu'il avait été «attaqué».

Tôt dimanche matin, le chauffeur de taxi a roulé sur un homme qui venait de vandaliser sa voiture. Hier, il a été formellement inculpé de quatre chefs d'accusation de voies de fait graves, de conduite dangereuse causant des lésions corporelles, de délit de fuite et de voies de fait armées au palais de justice de Montréal.

Le couple originaire d'Haïti a immigré au Québec il y a 21 ans. Avant de devenir chauffeur de taxi, M. Edmond a travaillé dans une manufacture. Il a aussi entrepris des études de programmeur-analyste en informatique, qu'il n'a pas terminées.

Il «louait» le permis

d'un autre chauffeur


Comme chauffeur, il travaillait souvent la nuit, régulièrement pour plus de 12 heures par jour, selon sa femme. Employé par l'entreprise Taxi Champlain, il n'était pas le propriétaire de la voiture. Il «louait» le permis d'un autre chauffeur. «C'était un très bon conducteur. Je n'ai jamais eu de problème avec lui ni reçu de plaintes de clients», a dit à La Presse le propriétaire du permis, Arnold Joseph.

M. Joseph a tenu à assister à la comparution d'hier avec sa femme et son fils pour offrir son soutien à la femme de l'accusé. «C'est un malheureux incident. Je suis désolé pour la famille de la victime», a souligné le fils de

M. Joseph, Steven.

La poursuite s'est opposée à ce que M. Edmond, détenu depuis dimanche, recouvre la liberté. Il restera en prison au moins jusqu'à son enquête sous caution, demain. Il n'a pas d'antécédents judiciaires.

Des images insoutenables

La scène, qui a été filmée par au moins deux personnes qui ont diffusé les images sur YouTube, s'est déroulée vers 4h dans la nuit de dimanche, à l'angle du boulevard Saint-Laurent et de la rue Rachel.

Un conflit a éclaté entre le conducteur du taxi et un groupe qu'il aurait fait monter à bord ou qui souhaitait le faire. On ne sait trop pour quelle raison, le chauffeur aurait à un moment foncé sur un des jeunes et percuté le mur d'un commerce du coin en ne touchant personne.

Mais il aurait alors mis le feu aux poudres, et le groupe en colère s'est déchaîné sur le taxi, en le frappant à coups de poing et de pieds. Un jeune est même monté sur la voiture pour sauter sur le toit à pieds joints.

Le conducteur a alors tenté de fuir, et un des jeunes s'est jeté sur son capot pour ensuite glisser sous la voiture. Celle-ci a roulé sur le jeune homme de 23 ans. Sur une vidéo, on voit très bien la voiture bondir à deux reprises lors du passage des deux roues sur le corps.

Le taxi a ensuite quitté les lieux, pourchassé par le groupe d'agresseurs en colère.

La victime, Benoît Kapelli, 23 ans, a subi de graves blessures, mais son état de santé est jugé stable. Lorsqu'il sera en meilleure forme, il pourrait être accusé de méfait sur la voiture taxi. Un de ses amis a d'ailleurs été arrêté, puis libéré après la signature d'une promesse de comparaître. Il sera ultérieurement accusé de méfait.

Sur une deuxième vidéo, insoutenable, on voit la victime en très gros plan se faire rouler sur la tête, et demeurer consciente dans les instants qui suivent, pendant que ses amis et des passants tentent de le secourir en attendant les ambulanciers.