L'orthopédiste Mario Giroux vient d'essuyer plusieurs revers dans sa bataille juridique contre l'hôpital de Trois-Rivières pour faire lever de multiples sanctions disciplinaires qui lui ont été imposées. Le Tribunal administratif du Québec (TAQ) a décrété que l'établissement de santé a eu raison de ne pas renouveler son droit de pratique. Le tribunal punit aussi le médecin pour sa campagne médiatique «inexacte» et «exagérée» selon laquelle son obligation à se rendre disponible tous les jours de l'année, 24 heures sur 24, menaçait la sécurité des patients. «Déçu» de la décision, le Dr Giroux compte maintenant déposer une demande de révision judiciaire devant la Cour supérieure.

Dans le volumineux jugement de 159 pages qui vient d'être rendu public, les juges administratifs Jean-Marc Dufour et Josée Caron se prononcent sur cinq requêtes déposées par le Dr Giroux contre le Centre hospitalier régional de Trois-Rivières (CHRTR).

Le litige remonte à 2008, lorsque le Dr Giroux a été exclu du groupe des orthopédistes du centre hospitalier, car il n'avait pas respecté les règles du service concernant le nombre minimum d'heures à assurer aux consultations externes et les semaines de congé qui lui sont accordées annuellement. Ses collègues lui reprochaient notamment de ne pas assurer le suivi postopératoire de ses patients et de confier à d'autres la prise en charge des cas moins intéressants rencontrés durant sa garde puis d'omettre d'en aviser ses collègues verbalement.

Après son exclusion, l'orthopédiste a hérité de la charge complète de tous ses patients hospitalisés et externes. Le Dr Giroux a déclaré que ce règlement équivalait à être disponible 24 heures sur 24, tous les jours de l'année. Il devait aussi traiter tous les cas d'urgence qui se présentaient pendant sa garde.

Mesures disciplinaires

Ce nouveau règlement a mené à plusieurs situations conflictuelles. Le Dr Giroux a notamment reçu une suspension de deux semaines pour avoir demandé, en octobre 2008, à une infirmière d'interpréter au téléphone la radiographie d'une patiente.

En avril 2009, le Dr Giroux a reçu une suspension de sept jours pour avoir refusé de s'occuper de deux patients dont la consultation en orthopédie avait été demandée la journée où il était l'orthopédiste de garde et de ne pas avoir communiqué avec un collègue pour lui confier la prise en charge des patients.

Dans sa décision, le TAQ confirme la suspension de deux semaines et fait passer de sept à trois jours la seconde sanction.

En juin 2009, le conseil d'administration de l'hôpital a décidé de ne pas renouveler les privilèges de pratique du Dr Giroux pour ses manquements disciplinaires. Il a également imposé une «réprimande sévère» à l'encontre du médecin pour son «manque de loyauté» dans ses affirmations médiatiques dans le cadre du processus judiciaire, lesquelles ont fait couler beaucoup d'encre.

Mario Giroux affirme qu'il n'avait pas de pouvoir sur le traitement de la nouvelle fait par les journalistes. Il avait fait l'embauche de la firme de relations publiques National pour l'aider à gérer la couverture médiatique. Le TAQ a cependant conclu qu'une stratégie de communication a été mise en place dans le but de véhiculer le message que la santé et même la vie de ses patients étaient menacées. Il conclut que la campagne de communication est un «geste d'une gravité extrême».

«Cette tactique de communication, qui s'apparente en quelque sorte à une stratégie de la terre brûlée, a laissé des traces profondes et indélébiles. Accuser ses collègues en particulier, et le CHRTR·en général, de mettre en danger la santé et même la vie des patients, sur la base d'exemples montés en épingles, apparaît si dévastateur que le Tribunal ne voit pas comment il serait possible de renouveler le requérant dans ses privilèges», peut-on lire dans le jugement.

Le TAQ va même plus loin que le conseil d'administration en remplaçant son blâme de «réprimande sévère» par la révocation de ses privilèges à titre de membre actif du CHRTR.

Le Centre hospitalier s'est dit «satisfait» du jugement. «En particulier parce qu'il rectifie des faits importants quant à la sécurité des patients, un aspect qui nous tient particulièrement à coeur», a déclaré le directeur des communications et des relations publiques du centre de santé et de services sociaux de Trois-Rivières, Serge Boulard. «Le fait que le tribunal aille plus loin qu'un simple non-renouvellement du statut et des privilèges jusqu'à une révocation des privilèges est assez significatif.»