Faire respecter un code déontologique alors que la justice nous accuse de possession de pornographie juvénile? Aucun problème pour un huissier de justice de Joliette, élu au conseil de discipline de son ordre professionnel alors qu'il était poursuivi au criminel. En mai 2008, les policiers québécois ont mené une vague d'arrestations après avoir obtenu des informations de policiers allemands. Sylvain Ayotte, huissier de 56 ans, a alors été arrêté, puis accusé de possession de pornographie juvénile.

Deux ans plus tard, en août 2010, l'officier de justice a été reconduit au conseil de discipline de la Chambre des huissiers du Québec. Il y siégeait depuis au moins 2001. Son procès a finalement avorté en janvier, car le juge a estimé qu'il s'était prolongé indûment.

L'huissier Guy Aidans a proposé la nomination de Sylvain Ayotte au conseil de discipline en 2010. Il affirme que personne ne l'avait informé de la situation dans laquelle M. Ayotte se trouvait. «Vous me l'apprenez», a-t-il admis à La Presse. Il assure que s'il avait été mis au courant des démêlés de son collègue avec la justice, il n'aurait jamais proposé sa candidature.

Même son de cloche du côté du président du conseil de discipline, l'avocat Jean-Guy Gilbert. «Si j'apprends qu'un de mes membres fait face à des accusations criminelles, il ne restera pas membre du conseil de discipline», a-t-il indiqué, avant d'ajouter qu'il n'avait pas connaissance de cette situation.

Si M. Ayotte faisait partie du conseil de discipline, il n'a jamais été appelé à se pencher sur un cas en particulier. Les jugements disciplinaires sont rares chez les huissiers.

L'ordre se défend

Selon Louis-Raymond Maranda, président de la Chambre des huissiers, la «majorité» des membres du C.A. connaissait néanmoins la situation de Sylvain Ayotte. Il admet toutefois que si c'était à refaire, M. Ayotte n'aurait pas été nommé au conseil de discipline.

«Est-ce que ç'aurait été une bonne chose de le tasser? Probablement», a reconnu M. Maranda. D'ailleurs, «il y a des mécanismes en place» pour qu'une telle situation ne se reproduise plus, a-t-il affirmé.

Sylvain Ayotte n'a pas voulu commenter le dossier. Son avocat, Sylvain Fréchette, croit qu'il était normal que le mandat de son client au conseil de discipline soit renouvelé. «Non seulement il était présumé innocent, mais en plus, il avait une excellente défense», a-t-il affirmé. Il reproche à certains policiers d'avoir mal évalué la preuve en provenance de l'Allemagne.